Ordre de Notre-Dame du Chardon

Ordre de chevalerie institué par le duc Louis II de Bourbon

L’ordre de Notre-Dame du Chardon est l'un des trois ordres de chevalerie[n. 1] du duché de Bourbon. Il fut institué en [1], à Moulins, par le duc Louis II « en l’honneur de Dieu et de la Vierge immaculée »[2]. Son existence fut, au mieux, éphémère[2] et on n'en trouve plus de trace directe après la mort de Louis II[3].

Ordre de Notre-Dame du Chardon
Image illustrative de l’article Ordre de Notre-Dame du Chardon
Collier de l'ordre de Notre-Dame du Chardon.

Devise espérance
Cri : Nostre-Dame, Nostre-Dame, Bourbon, Bourbon[1]
Création
Statut Ordre chevaleresque
Langue officielle Bourbonnais d'oïl
Siège Château des ducs de Bourbon
Grand maître Duc de Bourbon
Membres 26 chevaliers.

On l'appelait aussi ordre de Bourbon, du nom de son fondateur, ou ordre de l’Espérance, car ses chevaliers portaient une ceinture sur laquelle était brodé le mot espérance[2], devise adoptée par Louis II revenu de captivité, le jour de Noël 1366 :

« Et pour le bon espoir que j’ai en vous, après Dieu, d’ores en avant, je pourterai pour devise une seinture ou il aura escript ung joyeulx mot : Espérance[4]. »


Fondation

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L'Ordre fut fondé par Louis II à l'occasion de son mariage avec Anne Dauphine d'Auvergne (1358-1417), comtesse de Forez, fille de Béraud II dauphin d'Auvergne, qui allait considérablement accroître ses domaines[5].

Il fut conféré le , jour de la Purification de la Vierge Marie, en l'église de Moulins[6].

Organisation

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Composé de vingt-six gentilshommes sans reproche qui devaient s’être distingués par leur bravoure aux armées[6], l'ordre avait le duc de Bourbon pour souverain[2].

Sa fête principale était le 8 décembre, fête de la Conception de la bienheureuse Vierge Marie[1].

Insignes et habits de cérémonie

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Habit des chevaliers.

« Le grand collier de ce dévot ordre étoit d'or fait en figures de losanges entières et demi émaillées de vert, ouvertes et remplies de fleurs de lys d'or et ce mot espérance en lettres capitales [antiques, émaillées de rouge[1]] mises en chaque losange. Au bout de ce colier pendoit un ovale en lequel étoit dépeinte l'image de Notre Dame, selon la figure de l'Apocalypse, entourée d'un soleil d'or, couronnée de douze étoiles d'argent et ayant un croissant de lune de meme métal sous les pieds, et au bout de l'ovale paroissait une tête de chardon émaillée de vert et de blanc[7]. » Son poids était « de dix marcs, fermant à boucle et ardillon d'or, ainsi que la ceinture[8]. »

« Comme ce collier étoit l'ornement de ces chevaliers, les jours solennels, leur marque commune et journalière étoit une ceinture qu'ils portoient de velours bleu celeste, doublée de satin rouge, sur laquelle étoit relevée en broderie en lettres capitales, ce mot : espérance », et dont la boucle et l'ardillon étaient en or et losangés, avec l'émail vert comme la tête d'un chardon[6].

Aux jours de cérémonie, les chevaliers revêtaient un grand manteau de damas bleu ciel doublé de satin rouge surmonté d'un chaperon de velours vert aux orfrois de broderie d'or représentant le grand collier de l'ordre[1], sous lequel ils portaient une soutane de damas incarnat aux manches larges, ceinte de leur ceinture bleue.

Ils se couvraient d'une coiffure de velours vert, à la pointe de laquelle pendait une houppe de soie cramoisie et de fil d'or, le rebras à l'antique fourré de panne cramoisie portant dans un écu d'or le mot allen[1] : « Allen est à dire : allons tous ensemble au service de Dieu, et soyons tous ung en la deffense de nos pays, et là ou nous porrons trover et conquester honneur par fait de chevalerie[4] ».

Controverses historiques

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Planche héraldique dans l'ouvrage de Louvan Geliot.

L'articulation de l'ordre de Notre-Dame du Chardon avec celui de l'Écu d'or, créé peu auparavant et dont les chevaliers portaient également la ceinture Espérance[5], n'est pas claire : il est difficile de déterminer s'il a remplacé l'Écu d'or, si ces deux ordres ont fusionné ou s'ils ont existé conccuremment[3].

L'ordre est parfois confondu avec un éphémère ordre du Chardon qui aurait existé au XVIe siècle, sous le roi Jacques II d'Écosse : dans sa livraison de [9], le Mercure de France, recensant les ordres de chevalerie ayant existé en France, considère ainsi que l'ordre avait été réuni à l’ordre de la Jarretière, par un roi d’Écosse qu'il nomme Charles VI[n. 2].

Les auteurs sont partagés quant à la réalité de la fondation de cet ordre, décrit avec assurance par les historiens Jean-Marie de La Mure[7], André Favyn[8], au XVIIe siècle, et par Henri Sauval au XVIIIe siècle. Les principales objections sont émises, dans leur édition de La Mure, par Georges Richard de Soultrait, qui affirme que le chardon n'avait été pris comme attribut que par le duc Pierre II à l'occasion de son mariage avec Anne de France, en [10] et par André Steyert, qui se fondait sur le silence des chroniqueurs, le caractère éphémère de l'ordre et l'anachronisme du collier, puis, plus récemment, par Hervé Pinoteau[11]. L'argument du chardon a été réfuté par Jean-Bernard de Vaivre, qui démontre que l'adoption de cet attribut est le fait de Louis II, sa présence étant un motif souvent répété dans la décoration de l'hôtel de Bourbon à Paris[10]. Les chardons qui figurent sur plusieurs monuments à côté de la ceinture d'espérance peuvent donc laissent à penser que cet ordre avait au moins fait l'objet d'un projet sérieux[5]

 
Ceinture Espérance.

Pour sa part, Joseph Clément cite plusieurs témoignages probants d'usage du collier au XIVe siècle, dont un passage de l'inventaire de l'argenterie des rois de France en 1353[12]. Vaivre fait remarquer qu'il aurait pu davantage se référer au collier de la Toison d'Or, beaucoup plus ancien que ne le pensait Steyert, ses origines se trouvant dans le collier du distribué au jour de l'an 1404 par Philippe le Hardi, duc de Bourgogne[10].

Jean-Philippe de Vaivre estime que ce qu'il qualifie – sans être péremptoire – de « légende de l'Ordre de Notre-Dame-de-l'Espérance ou du Chardon » pourrait résulter d'une méprise, Bertrand Du Guesclin étant passé à Moulins pour rejoindre à Châteauneuf-de-Randon, Louis II « luy [avait] aussy [donné] une belle seincture d'or très riche de son ordre d'Esperance, laquelle il luy mit au col[4]. » Il suggère que ce geste était seulement une marque d'estime donnée par le duc à un petit nombre de personnages qu'il voulait particulièrement honorer, ou, dans deux cas cités par Favyn, un adoubement de nobles non-chevaliers, desquels on ne peut déduire la certitude de l'existence de cet ordre, au contraire de celle de l'ordre de l'Écu d'or qui lui paraît fondée[10].

Toutefois, la présence de « chevaliers de l'Espérance » semble encore attestée à la veille de la Révolution française, car treize d'entre-eux célébrèrent la fête de Saint-Louis, en l'église des Carmes de Moulins en 1764[5],[13].

Notes et références

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  1. Laurent Hablot (Op. cit. infra) précise : « Il faut se garder de donner au mot ordre la valeur formelle que nous lui connaissons aujourd’hui. La devise permettant de réunir sous un même signe un certain nombre de fidèles est fréquemment qualifié d’ordre dès la fin du XIVe siècle, quand bien même cet ordre ne comporte ni statuts ni numerus clausus. »
  2. Aucun roi d'Écosse ne porte ce nom et rien n'indique que l'ordre de Jacques II, s'il a existé, ait été réuni à celui de la Jarretière.

Références

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  1. a b c d e et f Louvan Geliot et Pierre Palliot, La Vraye et Parfaite Science des Armoiries : L'indice armorial, Dijon, Pierre Palliot, , 678 p. (lire en ligne).
  2. a b c et d W. Maigne, Dictionnaire encyclopédique des ordres de chevalerie, Paris, Adolphe Delahays, , 240 p., p. 145.
  3. a et b Olivier Troubat, La guerre de Cent Ans et le prince chevalier : Le « bon duc » Louis II de Bourbon (1337-1410), t. 2, Montluçon, Cercle d'archéologie de Montluçon et de la région, , 832 p. (ISBN 2915233004 et 978-2915233001).
  4. a b et c Jean Cabaret d'Orville, La chronique du bon duc Loys de Bourbon ; publiée, pour la Société de l'Histoire de France, par A.-M. Chazaud sur Gallica
  5. a b c et d Jacques Dallier, « Les ordres de la chevalerie bourbonnaise », Limousin-Magazine, no 334,‎ .
  6. a b et c François Sicard, Histoire des institutions militaires des Français : suivie d'un aperçu sur la marine militaire, t. 4, Paris, Corréard Jeune, , 444 p. (lire en ligne), p. 35-36.
  7. a et b [1660-1668] Jean-Marie de La Mure, Histoire des ducs de Bourbon et des comtes de Forez, en forme d'annales sur preuves authentiques (4 vol.), Paris, éditeur scientifique Régis de Chantelauze (1821-1888) ; éd. Potier (A. Picard et fils), 1860-1897, 1660-1668, sur books.google.fr (lire en ligne).
  8. a et b André Favyn, Le Theatre d'honneur et de chevalerie, ou l'histoire des ordres militaires des roys, & princes de la chrestienté, & leur genealogie : De l'institution des armes, & blasons, vol. I, Robert Foüet, , 915 p. (lire en ligne), p. 763-790.
  9. Mercure de France du 1er juillet 1814. sur Gallica
  10. a b c et d Jean-Bernard de Vaivre, « Un document inédit sur le décor héraldique de l'ancien hôtel de Bourbon à Paris », Archivum heraldicum, vol. 86, no Cahier 1,‎ , p. 2-10 (lire en ligne, consulté le ).
  11. Hervé Pinoteau, Héraldique Capétienne (Reproduction en fac-simile des n° 1, 4, 6. Voir : « Bourbon I. Les ducs de Bourbon I » ; note 7), Paris, P. de La Perrière, coll. « Cahiers nobles », (1re éd. 1954-1956).
  12. Joseph Clément, « Une décoration et un ordre de chevalerie bourbonnais, institué par le duc Louis II en1367 », Quinzaine Bourbonnaise, t. VIII,‎ , p. 418- 427, 445-455, 467-475, 490-499, 513-520.
  13. Henry Faure, Histoire de Moulins : (Xe siècle-1830), vol. 2, Moulins, Crépin-Leblond, , p. 648.

Bibliographie

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  • André Favyn, Le Theatre d'honneur et de chevalerie, ou l'histoire des ordres militaires des roys, & princes de la chrestienté, & leur genealogie : De l'institution des armes, & blasons, vol. I, Robert Foüet, , 915 p. (lire en ligne), p. 763-790.
  • [1660-1668] Jean-Marie de La Mure, Histoire des ducs de Bourbon et des comtes de Forez, en forme d'annales sur preuves authentiques (4 vol.), Paris, éditeur scientifique Régis de Chantelauze (1821-1888) ; éd. Potier (A. Picard et fils), 1860-1897, 1660-1668, sur books.google.fr (lire en ligne).
  • Henri Sauval, Histoire et recherches des antiquités de la ville de Paris : réédité sous le titre : Paris ancien et moderne, Paris, Charles Moette et Jacques Chardon, . Trois tomes : tome 1, tome 2, tome 3.
  • (en) D'Arcy Jonathan Dacre Boulton, The Knights of the Crown : The Monarchical Orders of Knighthood in Later Medieval Europe, 1325-1520, Woodbridge, Boydell Press, , 643 p. (ISBN 0851157955 et 9780851157955, lire en ligne), p. 271 et suiv.
  • Olivier Troubat, La guerre de Cent Ans et le prince chevalier : Le « bon duc » Louis II de Bourbon (1337-1410), t. 2, Montluçon, Cercle d'archéologie de Montluçon et de la région, , 832 p. (ISBN 2915233004 et 978-2915233001).
  • Laurent Hablot, La ceinture Espérance et les devises des ducs de Bourbon, in Espérance : le mécénat religieux des ducs de Bourbon à la fin du Moyen Âge (Catalogue de l'exposition du 15 juin-11 novembre 2001.), Musée municipal de Souvigny, , 12 p. (HAL hal-00280613, lire en ligne).
  • Auguste Savagner, Les Bourbons : histoire de la maison de Bourbon, des princes et personnages illustres qui en sont issus, J. Delahaye et Dartout, Paris, 1845, p. 32-35, sur Gallica.
  • Jean-Bernard de Vaivre, « Un document inédit sur le décor héraldique de l'ancien hôtel de Bourbon à Paris », Archivum heraldicum, vol. 86, no Cahier 1,‎ , p. 2-10 (lire en ligne, consulté le ).

Voir aussi

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Liens externes

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