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NXIVM

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NXIVM (communément prononcé « Nexium »[1],[2]) est une secte américaine fondée en 1998 et dirigée par Keith Raniere, d'abord sous l'appellation « Executive Success Programs (ESP) », puis « NXIVM » à partir de 2003. Le fonctionnement de l'organisation repose sur un système de vente pyramidale, proposant des évènements présentés comme des séminaires de développement personnel et professionnel.

En , son gourou présumé, Keith Raniere, est arrêté. Il est accusé de trafic sexuel, association de malfaiteurs et menaces. L'actrice Allison Mack, considérée comme le numéro deux de la secte, est aussi arrêtée par le FBI en . Elle aurait participé à l'embrigadement de jeunes femmes pour en faire des esclaves sexuelles[2].

En latin, « Nexum » est le nom d'une garantie entre un débiteur et son créancier, et signifie fournir son propre asservissement jusqu'à l’extinction d'une dette. Il s'agit d'un contrat d'esclavage qui a existé pendant la République romaine.

Au début des années 1990, Raniere créé une première entreprise de vente multi-niveau, Consumers' Buyline Inc. (CBI), rapidement identifiée comme étant un système de vente pyramidale par les régulateurs d'une vingtaine d’États[3],[4].

En 1996, Raniere signe une ordonnance de consentement dans laquelle il ne reconnait pas être coupable mais s'engage à payer une amende de 40 000 dollars, dont il ne règlera finalement que 9 000 dollars. En outre, il lui est interdit de « promouvoir, d'offrir ou d'accorder sa participation à un système de distribution en chaîne »[3],[5].

Fondation et premières critiques

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Keith Raniere en 2019.

Executive Succes Programs (ESP)

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En 1997, il rencontre Nancy Salzman, une ancienne infirmière qui s'est spécialisée en programmation neurolinguistique. Ensemble, ils fondent Executive Success Programs (ESP) en 1998, une entreprise qui vend des formations et une gamme de prétendues techniques de développement personnel. Son fonctionnement ressemble à celui de CBI, avec des membres recrutant d'autres membres grâce à la réputation de Raniere[2],[3],[6]. Pendant les séminaires, les étudiants doivent l'appeler « Vanguard », en référence à un jeu vidéo d'arcade sorti en 1981. Salzman, en tant que cadre de l'organisation et première disciple, est surnommée « Prefect » (en français « Préfète »)[2],[7].

Il est demandé aux participants d'adhérer aux principes d'une méthode baptisée Rational Inquiry (« enquête rationnelle »). Pendant une période d'intense introspection, les étudiants sont invités à partager leurs secrets les plus intimes, parfois des souvenirs traumatisants, qui constituent des leviers émotionnels que les formateurs peuvent ensuite manipuler pour servir les intérêts de l'organisation et de son leader. Une liste de règles et de comportements ritualisés, un système d'écharpes colorées et des entretiens individuels complètent le dispositif d'endoctrinement des nouvelles recrues[2],[3].

Recrutement de Sara et Clare Bronfman

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En 2002, Sara et Clare Bronfman, héritières de la famille Bronfman, sont recrutées par NXIVM. Sara, alors âgée de 25 ans, rejoint d'abord le groupe après l'échec de son premier mariage, bientôt suivie par sa sœur Clare. L'année suivante, leur père, Edgar M. Bronfman Sr., est invité à suivre des cours, ce qu'il fait pendant plusieurs mois. Il interrompt brusquement le suivi de ses entretiens individuels avec Nancy Salzman lorsqu'il découvre que Clare Bronfman a prêté 2 millions de dollars pour le développement d'une entreprise liée à NXIVM[3],[8],[9].

La fortune substantielle des deux sœurs permet à la secte d'étendre ses activités et d'acquérir des biens immobiliers, qui sont ensuite transformés en centres de formation. En , à l'occasion de la Vanguard Week, une longue célébration de l'anniversaire de Raniere, organisée chaque été, Sara et Clare Bronfman s'engagent publiquement à faire un don de 20 millions de dollars pour une nouvelle fondation "éthique"[8],[9]. Selon Barbara Bouchey, ancienne membre du conseil d'administration de NXIVM et la planificatrice financière des deux héritières jusqu'en 2009, celles-ci considéraient leur soutien financier comme un moyen d'assainir leur fortune[10]. Plusieurs fondations à but non-lucratif sont ainsi créées, à l'instar de l'Ethical Science Foundation, du Rainbow Cultural Garden et du World Ethical Foundations Consortium[9].

Entre 2005 et 2007, à la suite d'un mauvais placement financier sur le marché des matières premières, environ 66 millions de dollars sont dépensés par Sara et Clare Bronfman pour couvrir les pertes de Raniere. En 2007, elles investissement un peu plus de 26 millions de dollars dans un projet immobilier à Los Angeles, qui échoue et débouche sur une procédure judiciaire. En tout, près de 150 millions de dollars appartenant à la fortune familiale sont dilapidés pendant les années 2000[8],[10]. Une partie de cette somme, évaluée à environ 50 millions de dollars par l'avocat Peter Skolnik, est utilisée pour poursuivre en justice les opposants de NXIVM[2],[10].

Allégations de dérives sectaires

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En , une action judiciaire est intentée contre l'expert américain Rick A. Ross, qui a publié sur ses sites Web des extraits du manuel confié aux étudiants en formation[3],[11]. Dans sa déclaration sous serment, Keith Raniere affirme que l'entreprise dont il est le fondateur a subi un préjudice irréparable : « Cette fausse histoire avec notre matériel protégé par des droits d'auteur et diffusé par un média international ne pourra jamais être complètement effacée »[12]. Un an plus tôt, Ross est engagé par les parents de Michael Sutton et Stephanie Franco, qui ont dépensé plusieurs milliers d'euros pour suivre des cours. Si l'intervention auprès de Sutton est un échec, sa demi-sœur accepte de transmettre le matériel utilisé pour les séminaires afin qu'il soit expertisé[13]. Selon Ross, les adeptes de NXIVM subissent un « lavage de cerveau » et « la capacité des gens à penser de manière indépendante est largement compromise »[7]. Les conclusions des spécialistes sollicités sont publiées sur les deux sites Web gérés par l'Institut Ross[14],[15],[16], entrainant le dépôt d'une plainte pour violation des droits d'auteur, dénigrement de marque et ingérence dans les relations contractuelles. Stephanie Franco et ses parents sont aussi poursuivis, ainsi que les deux auteurs des trois articles critiques mis en ligne[17],[18]. Le , la cour d'appel des États-Unis pour le deuxième circuit confirme le refus de la requête de NXIVM demandant une injonction préliminaire ordonnant à Ross de retirer les publications contestées de ses sites Web[17]. Il s'agit de la première des nombreuses décisions rendues au cours d'une procédure qui va durer quatorze ans[18],[19].

En , le magazine Forbes publie une enquête sur Keith Raniere et la société qu'il dirige[3], désormais également connue sous le nom de NXIVM[1],[20]. Intitulé Cult of Personnality (« Culte de la personnalité »), l'article révèle que les nouveaux membres doivent s'incliner devant « Vanguard » et cite Edgar M. Bronfman Sr. : « Je pense que c'est une secte ». Le statut de Raniere est remis en question par le contenu de la publication, en particulier le récit des échecs de ses précédentes entreprises (CBI et National Health Network). Il est aussi précisé que trois personnes ont dû interrompre leur formation pour suivre un traitement psychiatrique, dont une jeune femme de 28 ans qui s'est trouvée physiquement épuisée et a dû se rendre à l'hôpital après avoir passé dix-sept heures en séminaire[3],[8].

Recrutement et implication d'Allison Mack

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Allison Mack participe pour la première fois à une activité de NXIVM en 2006. Il s'agit d'un cours d'introduction de deux jours consacré à la présentation de « Jness », un mouvement destiné au partage des idées de Raniere sur les femmes et les différences entre les deux sexes. Mack accompagne une autre actrice de la série Smallville, Kristin Kreuk, qui a récemment rejoint l'organisation. Son recrutement à été préparé par les dirigeants de NXIVM, à la demande de Raniere, qui voit en elle une opportunité d'attirer plus membres grâce à sa notoriété[21],[22].

L'évènement a lieu à Vancouver, au Canada, où une antenne de NXIVM a ouvert au début des années 2000. C'est l'un des centres les plus actifs de l'entreprise, cofondé par le réalisateur Mark Vicente et l'actrice Sarah Edmondson[23]. À l'issue des deux jours de séminaire, Mack est invitée à Albany pour rencontrer Raniere, ce qu'elle accepte. Elle s'implique progressivement dans le recrutement des nouveaux membres après avoir suivi une première formation en 2007. C'est aussi elle qui supervise et anime les programmes Jness, « The Source », un atelier de théâtre réunissant des acteurs[24], et « A Cappella Innovations », un festival de chant a capella de plusieurs jours. Organisés en 2007 et 2008, ces évènements sont présentés comme des spectacles universitaires mais seraient « une façade pour attirer des étudiants impressionnables vers NXIVM » d'après le témoignage d'un ancien participant recueilli par Vanity Fair en 2021[21],[25].

Polémique entourant la visite du Dalaï-lama

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Le 14e dalaï-lama en 2012.

En 2009, Sara et Clare Bronfman sollicitent le soutien du Dalaï-lama et dépensent environ 1 million de dollars pour organiser sa venue à une série de conférences du World Ethical Foundations Consortium à Albany[26],[27]. Lorsque l'évènement est annoncé publiquement, les allégations concernant le passé de Raniere et les pratiques de son entreprise suscitent de nouveau la controverse. Alors que plusieurs apparitions parrainées par NXIVM sont prévues du au , dans deux campus universitaires et au Times Union Center, le 14e dalaï-lama annule sa visite[8],[27],[28].

Keith Raniere, Nancy Salzman et les deux héritières de la famille Bronfman se rendent à Dharamsala, en Inde, pour le rencontrer en privé et tenter de le faire changer d'avis. Finalement, il accepte de participer à une unique conférence qui se tient le au Palace Theatre d'Albany[8],[27]. Une écharpe de soie blanche appelée khata est remise à Raniere sur scène par le 14e dalaï-lama, qui signe également l'avant-propos de son livre Le Sphinx et Thelxiepeia quelques jours plus tard[26].

En 2017, le journal britannique The Guardian révèle que le moine Tenzin Dhonden a été démis de ses fonctions de secrétaire et d'administrateur du Dalai Lama Trust à la suite d'accusations de corruption[29]. Ses liens avec Sara Bronfman sont mis en lumière au cours des semaines qui suivent[27],[29].

Défection d'un groupe de cadres

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En marge de la visite du Dalaï-lama, neuf femmes appartenant au cercle restreint de Raniere quittent NXIVM en dénonçant des pratiques contraires à l'éthique et des abus[5],[30]. Barbara Bouchey et Susan Dones, une formatrice qui a ouvert en 2001 le centre de Tacoma, Washington, confrontent Raniere lors d'une série de conversations qu'elles enregistrent en caméra cachée. Un extrait d'environ 8 minutes est publié sur YouTube par Dones en , dans lequel Raniere affirme : « J'ai fait tuer des gens à cause de mes croyances - ou à cause de leurs croyances »[27],[31],[32].

Le , une lettre est adressée aux deux cofondateurs de NXIVM par les démissionnaires, accompagnée d'une facture de 2,1 millions de dollars correspondant à leurs pertes financières[8],[27].

Procédures judiciaires contre les opposants

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Pour contrer l'impact de ces allégations sur les activités et la notoriété de l'organisation, des poursuites judiciaires systématiques sont engagées contre les anciens membres et les journalistes[10],[33].

C'est d'abord le cas de Toni Natalie, une femme que Raniere a rencontré lors d'une réunion de CBI en . Quand leur relation se termine en 1999, elle est accusée d'avoir falsifié des documents en lien avec la faillite d'une entreprise de vente d'aliments naturels créée en 1994. De cette façon, la procédure est contestée et bloquée par les avocats de NXIVM pendant huit ans et quatre mois[19],[34]. Dans sa décision du , le juge du tribunal de district Robert Littlefield Jr. écrit : « Cette affaire ressemble à une tentative de vengeance ou de représailles d'un homme rejeté contre son ancienne petite amie, avec de nombreuses tentatives pour la faire trébucher »[34],[35]. En , Toni Natalie dépose des documents devant un tribunal fédéral alléguant qu'elle a été violée à plusieurs reprises par Raniere avant leur séparation[34],[36].

Joseph O'Hara est un avocat et un homme d'affaires basé à Albany qui travaille pour NXIVM en tant que consultant à partir de 2003. Il démissionne en 2005 en accusant l'organisation d'avoir commis des actes illégaux, particulièrement inquiet du sort réservé au fils que Raniere a eu avec Kristin Keeffe, une de ses nombreuses maitresses[33],[37]. En 2007, O'Hara est inculpé de vol par le procureur général du comté d'Albany, David Soares, mais l'affaire est rejetée par un juge. Pendant plusieurs semaines, Keeffe, qui supervisee les procédures judiciaires intentées par NXIVM, est autorisée à travailler dans le bureau du procureur général. En 2012, O'Hara porte plainte contre Raniere, Salzman, Keeffe et une quinzaine d'avocats impliqués dans le complot visant à l'accuser d'actes criminels. À cette occasion, les pressions exercées sur Soares sont révélées dans la presse, notamment les appels et les visites des sœurs Bronfman au bureau du procureur, mais aussi celles de Scott Harshbarger, ancien procureur général du Massachusetts et de Richard Mays, ancien juge de la Cour suprême de l'Arkansas[38],[39].

En , O'Hara dépose le bilan après que ses deux entreprises aient été placées en liquidation judiciaire pour rembourser le prêt de 2 millions de dollars accordé par Clare Bronfman en 2004. En , Sara et Clare Bronfman déposent une nouvelle plainte alléguant que leur créance devrait être jugée non libérable, contestant la mise en faillite. À l'issue d'une longue procédure, au cours de laquelle O'Hara se représente pro se, il est condamné à verser 1,6 millions de dollars à chacune des deux sœurs (soit 3,2 millions de dollars au total)[40],[41].

Depuis son départ de NXIVM en 2009, Barbrara Bouchey déclare avoir été impliquée dans quatorze affaires judiciaires initiées par les avocats de la secte et les héritières de la famille Bronfman, soit en tant qu'accusée, soit en tant que témoin[2]. Elle est successivement accusée de diffamation, de violation de la confidentialité de ses clients, d'extorsion et d'intrusion informatique. Moins d'un an après son départ, elle est contrainte de déclarer sa société de gestion d'actifs en faillite[27],[33]. Susan Dones et Kim Woolhouse sont aussi poursuivies après la fermeture du centre de Tacoma et le dépôt du dossier de faillite personnelle de Dones en 2010. Quelques heures avant que la faillite ne soit actée par le tribunal, un avocat de NXIVM intervient pour faire rejeter sa requête afin qu'elle ne puisse plus être protégée des créanciers[42]. Un procès est également intenté contre Dones et Woolhouse, accusées d'avoir violé leur accords de confidentialité avec l'organisation. « NXIVM est une machine à litiges qui s'empresse d'intenter des poursuites judiciaires contre quiconque exprime une opinion sur les comportements de son "chef " Keith Raniere » déclarent les deux femmes en 2011[33],[43]. Le juge dans cette affaire, Brian D. Lynch, rejette presque toutes les accusations formulées contre Dones, mais prononce une injonction permanente lui interdisant de diffuser la vidéo enregistrée en 2009 à l'insu de Raniere[32].

Manipulation mentale, chantage et abus sexuels

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Premières victimes de Keith Raniere

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Dans un article du Times Union publié en , les journalistes James M. Odato et Jennifer Gish dévoilent une partie du passé criminel de Keith Raniere. Il est notamment question d'abus sexuels commis à l'encontre de jeunes filles[36].

Parmi les victimes identifiées, deux personnes n'ont pas pu être contactées pour témoigner. Gina Hutchinson, séduite puis violée par Raniere lorsqu'elle avait 14 ans, a été retrouvée morte en 2002 sur le terrain d'un monastère bouddhiste à Woodstock. Heidi Hutchinson, la sœur de Gina, est convaincue que l'emprise psychologique exercée par Raniere est à l'origine de son suicide[6],[36],[44]. En 2003, une femme de 35 ans habitant à Anchorage, Alaska, disparait au milieu d'un séminaire de NXIVM et ne sera jamais retrouvée. Quelques mois plus tôt, Kristin Snyder a suivi sa première formation intensive de seize jours, affectant considérablement sa santé mentale selon ses proches[13],[45].

Daniela et Camila

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Daniela, âgée de 16 ans et deuxième enfant d'une famille de Monterrey, au Mexique, se prépare à effectuer sa rentrée scolaire dans un lycée international en Suisse lorsqu'elle suit un premier cours NXIVM en 2002. D'abord attirée par les ambitions et l'approche philosophique de l'organisation, qui se donne pour mission de « sauver le monde »[Note 1], elle décide de s'installer à Albany[47],[48]. Ses compétences autodidactes en programmation informatique suscitent l'intérêt de Nancy Salzman et Karen Unterreiner, chargée de superviser la partie administrative de NXIVM. Selon plusieurs témoignages, dont le sien lors du procès, Daniela a été préparée pour avoir des relations sexuelles avec Raniere quand elle était mineure. Quelques jours après son dix-huitième anniversaire, leur premier rapport sexuel a lieu dans le local d'un immeuble de bureaux autrefois utilisé pour les activités de CBI[47],[49]. Installée ensuite dans une maison de Clifton Park avec les femmes les plus proches de Raniere, elle travaille en réalisant différentes tâches pour le compte de l'entreprise, pour lesquelles elle n'est pas toujours rémunérée[48],[50].

En 2003, Daniela est rejointe par sa grande sœur, Marianna, qui devient elle aussi une partenaire sexuelle régulière de Raniere. Plus tard, Daniela témoignera qu'il leur était fortement déconseillée d'en parler entre elles ou avec leurs parents[47]. En 2004, elle entre illégalement aux États-Unis avec la complicité de Kathy Russell, ce qui la dissuade de s'adresser aux autorités par la suite[48],[49].

La famille de Daniela, dont les parents sont devenus formateurs, emménage aux États-Unis en 2005[48]. La troisième et plus jeune des sœurs, Camila, s'installe dans une des maisons de la communauté et commence à être abusée sexuellement par Raniere à l'âge de 15 ans[51],[52],[53]. Elle reste sous son emprise pendant douze ans, isolée et vulnérable. Le poids et les habitudes alimentaires de Camila sont surveillés et contrôlés par Raniere. « Dès que nous avons commencé à avoir des relations sexuelles, il me demandait mon poids tous les jours » a-t-elle déclaré lors d'une audience en [54]. Camila est considérée par les procureurs comme la « première esclave sexuelle » de Raniere[51],[53].

En 2006, Daniela tombe enceinte et doit se rendre dans une clinique pour avorter. Pamela Cafritz accompagne la jeune femme, âgée d'une vingtaine d'années, et prépare avec elle les réponses aux questions du personnel médical[49]. Daniela apprend à cette occasion que sa sœur Marianna a été emmenée dans la même clinique par Cafritz deux ans auparavant. En 2008, c'est Camila qui interrompt volontairement sa grossesse à la demande de Daniela[50],[55].

En , Daniela est confinée dans la chambre d'une maison où habite ses parents et son frère, quatrième enfant de la famille. Il s'agit d'une punition décidée par Raniere, qui ne pardonne pas à la jeune femme d'être tombée amoureuse d'un garçon en 2006. Depuis, Daniela est stigmatisée au sein de la communauté et de sa famille, endoctrinée par le leader du groupe. Durant les mois qui précèdent son enfermement dans une chambre, sortir de la maison familiale est déjà considéré comme une violation des dispositions prises à son encontre[56]. Daniela est finalement confinée dans une seule pièce à partir du . Même si la porte n'est pas verrouillée, son statut de sans-papiers et la confiscation de toutes ses affaires personnelles par ses parents l'empêchent de s'enfuir. Pendant presque deux ans, elle écrit et envoie des centaines de lettres suppliant de mettre fin à sa détention[48],[49],[56]. En , Daniela quitte la pièce dans laquelle elle est enfermée et se rend à un match de volley-ball pour affronter Raniere, qui se cache en voyant arriver la jeune femme[57]. Finalement, elle est reconduite à la frontière mexicaine par son père, et laissée sur place avec quelques dizaines de dollars et aucun document personnel[48],[49].

Exposition de DOS et effondrement de NXIVM

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En 2017, le New York Times a rapporté que NXIVM désignait les membres féminins comme des « esclaves », les marquait au fer rouge avec les initiales de Keith Raniere, et les forçait à fournir des photos nues et des vidéos en garantie[58]. Selon les témoignages, plus de douze mille personnes ont assisté aux cours de NXIVM entre 1998 et 2010[59].

Expérimentation humaine non-éthique

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Brandon Porter, un médecin qui travaillait pour NXIVM, est mis en cause par plus d'une vingtaine d'accusations en [60]. Il aurait montré des vidéos particulièrement violentes à des membres de l'entreprise, incluant des images de décapitations et de viols, sans avertissement préalable ni demande de consentement éclairé. Les réactions des participants ont été captées et enregistrées par des équipements (détecteur d'ondes cérébrales, caméra) reliés à des ordinateurs[58],[61],[62]. Une organisation à but non-lucratif créée par Clare Bronfman a financé l'achat du matériel utilisé, ainsi que d'autres projets prétendument « scientifiques » et « éthiques ». NXIVM reconnait avoir mené des recherches expérimentales sur le comportement humain, notamment pour le traitement du syndrome de Gilles de la Tourette[60],[63].

En , une première plainte contre le Dr Porter est déposée par l'actrice canadienne Jennifer Kobelt. Elle estime qu'environ cent personnes ont participé à l'étude sur la peur. Dans une lettre du , le New York State Office of Professional Medical Conduct (OPMC) déclare qu’il n’enquêtera pas sur le médecin, ajoutant que « les problèmes décrits ne constituent pas une faute médicale ». L'impact médiatique des articles publiés à partir du mois d'octobre, dans lesquels Porter est cité, conduit à un nouvel examen de la plainte de Kobelt. À la suite de ces révélations, le Dr Porter démissionne de son poste à l'hôpital St. Peter d'Albany[60],[61].

Porter est également mis en cause pour ne pas avoir signalé aux autorités sanitaires une épidémie lors de la Vanguard Week en 2016. Des dizaines de personnes, dont beaucoup d'enfants, ont été atteints par une maladie infectieuse qui n'aurait pas été identifiée[61]. La licence médicale de Brandon Porter lui est retirée par le New York State Department of Health en 2019[60].

Arrestation et condamnation des cadres

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En , le gourou présumé Keith Raniere a été arrêté au Mexique pour trafic sexuel (avec des actes de marquage par brûlure de ses « esclaves sexuelles »). Il encourt de 15 ans à la perpétuité pour ces faits devant la justice américaine. Après six semaines de procès, il est jugé coupable des sept chefs d’inculpation retenus contre lui, dont l'exploitation sexuelle d'une adolescente de 15 ans, extorsion et association de malfaiteurs[64],[65], et condamné le 27 octobre 2020 à 120 ans de prison par le tribunal fédéral de Brooklyn.

L'actrice Allison Mack a également été arrêtée le par le FBI. Elle encourt jusqu'à 15 ans d'emprisonnement pour avoir aidé le gourou à recruter des esclaves sexuelles (appelées DOS - pour Dominus Obsequious Sororium)[66],[65], expression latine qui se traduit à peu près par « Maître des compagnes obéissantes ».

Elle a plaidé coupable le . La peine prévue pour un tel acte d'accusation allait de 14 à 17 ans et demi d’emprisonnement, mais la justice a proclamé une condamnation en deçà, tenant ainsi compte de l'aide fournie par l'actrice aux enquêteurs[67]. Le 29 juin 2021, Allison Mack est condamnée par un juge fédéral de Brooklyn à 3 ans de prison[68] pour sa participation à la secte DOS. Sa peine a été réduite dû aux informations que l'actrice a fournies aux autorités tout au long de l'enqu��te. L'actrice de Smallville (2001-2011) a d'ailleurs livré aux enquêteurs l’enregistrement d’une conversation avec Keith Raniere qui s’est révélé crucial pour l’accusation de celui qu'on surnommait Vanguard[69],[70].

En , Clare Bronfman (en), fille et héritière d'Edgar Miles Bronfman (entreprise Seagram), est condamnée à New York à plus de six ans de prison (81 mois exactement) et une amende de 500 000 dollars après avoir plaidé coupable dans le scandale de trafic sexuel de la secte[64].

Documentaires télévisés

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Notes et références

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  1. Il s'agit d'un module intitulé « The Mission » - dans lequel il est enseigné aux étudiants que « tous les efforts que les humains font pour améliorer le monde sont vains » tant que « nous serons désintégrés » selon les mots de Daniela, rapportés par Sarah Berman[46].

Références

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Bibliographie

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  • (en) Sarah Berman, Don't Call It a Cult : The Shocking Story of Keith Raniere and the Women of Nxivm, Steerforth Press, , 336 p. (ISBN 978-1586422752)

Articles connexes

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Liens externes

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