Homo luzonensis

espèce éteinte du genre Homo

Homo luzonensis · Homme de Luçon

L'Homme de Callao[1],[2],[3], ou Homme de Luçon, est le nom donné à un ensemble de fossiles correspondant à au moins trois individus, découverts à partir de 2007 dans la grotte de Callao, aux Philippines. Selon les découvreurs, il s’agit d’une espèce à part entière, Homo luzonensis, une espèce éteinte du genre Homo qui vivait il y a au moins 50 000 ans sur l'île de Luçon[4],[5].

Ces fossiles étaient les plus anciennes traces d'une présence humaine aux Philippines, jusqu'à la découverte de marques de boucherie datées de 709 000 ans indiquant une activité humaine sur le site de Kalinga[6], distant d'une trentaine de kilomètres de la grotte de Callao.

Historique

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Les dents et os fossiles ont été trouvés dans la grotte de Callao, sur l'ile de Luçon, aux Philippines, lors de fouilles menées en 2007, 2011 et 2015, par une équipe dirigée par les paléoanthropologues philippin Armand Salvador Mijares et français Florent Détroit[7],[8],[9].

Description

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Les fossiles se composent de sept dents isolées, deux phalanges de main, deux phalanges et un métatarse, et d'un fémur fragmentaire, correspondant à au moins trois individus, deux adultes et un enfant (pour le fémur)[10]. Par des analyses d'imagerie et de morphométrie 3D des dents et des os de pied, les chercheurs ont montré que ces fossiles présentaient à la fois des caractères très primitifs (prémolaires à trois racines, os courbes des phalanges, zones d'insertion des muscles fléchisseurs du pied très marquées[8]), ressemblant en cela aux Australopithèques, et d'autres plutôt modernes (petites molaires), évoquant Homo sapiens[7]. Les fossiles présentent ainsi une combinaison de caractères qui ne se trouvent chez aucune autre espèce humaine connue.

Les dents sont petites, laissant penser qu’Homo luzonensis pourrait être de petite taille[8].

Datation

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L'un des fossiles a été daté d'au moins 50 000 ans et un autre d'au moins 67 000 ans, au moyen de la datation par l'uranium-thorium[7]. L'âge minimum de 67 000 ans a été obtenu par le déséquilibre radioactif de l'uranium sur un morceau de métatarse dénommé CCH1[11], mais la même méthode appliquée par une autre équipe à un morceau de dent dénommé CCH6-a a fourni un âge minimum de 50 000 ans[12]. Cependant, cette méthode présente de nombreuses limites lorsqu'elle est utilisée sur des os (les sels d'uranium, solubles, pouvant être exogènes ou au contraire sous-estimés par les lessivages).

Analyse

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L'ile de Luçon est toujours restée isolée du continent par la mer durant toutes les périodes glaciaires du Pléistocène. Elle ne pouvait donc être atteinte que par la navigation, que l'on suppose exceptionnelle chez les espèces humaines archaïques. Les chercheurs en déduisent que l'Homme de Callao aurait évolué séparément, à partir d'une espèce continentale ancestrale, par endémisme insulaire, à l'image d'Homo floresiensis sur l'île indonésienne de Florès[7].

L'analyse de l'anatomie interne et externe des dents d'Homo luzonensis indique une proche parenté de ce dernier avec les Homo erectus indonésiens[13].

Notes et références

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Références

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  1. Camille Gévaudan et Florian Bardou, « « Homo luzonensis », un petit homme des Philippines qui vient de loin », Libération,‎ (lire en ligne)
  2. Hervé Morin, « L’« homme de Callao », une nouvelle espèce humaine découverte aux Philippines », Le Monde,‎ (lire en ligne  )
  3. Axel Villard, « L’Homme de Callao, un petit nouveau dans la famille Homo », La une de la science,
  4. (en) Matthew W. Tocheri, « Previously unknown human species found in Asia raises questions about early hominin dispersals from Africa », Nature, vol. 568,‎ , p. 176-178 (DOI 10.1038/d41586-019-01019-7).
  5. (en) Florent Détroit, Armand Salvador Mijares, Julien Corny, Guillaume Daver, Clément Zanolli, Eusebio Dizon, Emil Robles, Rainer Grün et Philip J. Piper, « A new species of Homo from the Late Pleistocene of the Philippines », Nature, vol. 568,‎ , p. 181–186 (DOI 10.1038/s41586-019-1067-9)
  6. (en) T. Ingicco, G.D. van den Bergh, C. Jago-on, J.-J. Bahain, M.G. Chacón, N. Amano, H. Forestier, C. King, K. Manalo, S. Nomade, A. Pereira, M.C. Reyes, A.-M. Sémah, Q. Shao, P. Voinchet, C. Falguères, P.C.H. Albers, M. Lising, G. Lyras, D. Yurnaldi, P. Rochette, A. Bautista et J. de Vos, « Earliest known hominin activity in the Philippines by 709 thousand years ago », Nature, vol. 557, no 7704,‎ , p. 233–237 (PMID 29720661, DOI 10.1038/s41586-018-0072-8, Bibcode 2018Natur.557..233I, S2CID 13742336, lire en ligne)
  7. a b c et d Musée de l'Homme, Homo Luzonensis, une nouvelle espèce contemporaine d'Homo sapiens découverte aux Philippines (Communiqué de presse du CNRS), (lire en ligne [PDF])
  8. a b et c Fabienne Sintes, « Homo Luzonensis : une nouvelle espèce humaine découverte aux Philippines », Le téléphone sonne, sur franceinter.fr, (consulté le )
  9. « L'incroyable découverte : Homo luzonensis, une nouvelle espèce humaine », sur France Culture, (consulté le )
  10. « Homo luzonensis, une nouvelle espèce humaine aux Philippines », sur hominidés.com,
  11. (en) Armand Salvador Mijares, Florent Détroit, Philip Piper, Rainer Grün, Peter Bellwood et al., « New evidence for a 67,000-year-old human presence at Callao Cave, Luzon, Philippines », Journal of Human Evolution, vol. 59, no 1,‎ , p. 123-132 (DOI 10.1016/j.jhevol.2010.04.008).
  12. (en) R. Grün, S. Eggins, L. Kinsley, H. Moseley et M. Sambridge, « Laser ablation U-series analysis of fossil bones and teeth », Palaeogeography, Palaeoclimatology, Palaeoecology, vol. 416,‎ , p. 150-167 (DOI 10.1016/j.palaeo.2014.07.023).
  13. Clément Zanolli, Yousuke Kaifu, Lei Pan et Song Xing, « Further analyses of the structural organization of Homo luzonensis teeth: Evolutionary implications », Journal of Human Evolution, vol. 163,‎ , p. 103124 (ISSN 0047-2484, DOI 10.1016/j.jhevol.2021.103124, lire en ligne, consulté le )

Article connexe

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