L'Albanie du Caucase, appelée aussi Aghouanie[1] ou Albanétie[2] (en grec Ἀλβανία, Albania ; en azéri : Albaniya ; en arménien : Աղվանք, Aghvank[3] ; en géorgien : ალვანია, Alvania), est un royaume antique de l'est du Caucase du Sud.

Albanie du Caucase
(hy) Աղվանք
(el) Ἀλβανία
(ge) ალვანია

IVe siècle av. J.-C. – IXe siècle

Drapeau
Description de cette image, également commentée ci-après
L'Albanie du Caucase jusqu'en 387.
Informations générales
Capitale Kabalaka, puis Partaw
Langue(s) Albanien, arménien classique, parthe et pehlevi
Religion Paganisme, Église albanienne et zoroastrisme
Histoire et événements
IVe siècle av. J.-C. Fondation du royaume
Ve siècle Christianisation de l'Albanie du Caucase
821 Union avec la Siounie occidentale à la mort du dernier souverain

Entités précédentes :

Entités suivantes :

Transcaucasie vers 150
Caucase vers 300
Carte du Caucase vers 740

Elle a constitué une chrétienté autonome, avec sa langue qui, à la différence de l'arménien et du géorgien, a complètement disparu pour ne sortir de l'oubli qu'au XXe siècle[2].

Dénomination

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Le nom « Albanie » en latin signifie « terres blanches », en référence à ses montagnes enneigées[4].

Géographie

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Après son unification vers la fin du IIe siècle av. J.-C., elle est délimitée par la Caspienne à l'est, le cours inférieur de l'Araxe et le fleuve Koura au sud, selon Strabon (Géographie 11.14.5)[5], sur des territoires correspond à des parties des actuelles républiques d'Azerbaïdjan, de Géorgie et au sud du Daghestan[6].

Population antique

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Aran est l'ancêtre légendaire et éponyme des Albaniens (Aghvan). L'Albanie du Caucase est alors peuplée par des peuples ibéro-caucasiens, qui sont la population indigène du Daguestan et de l'Azerbaïdjan. Les Mannéens forment un des États parmi les plus anciens de la région, ayant ses limites sur le fleuve Koura vers 800 av. J.‑C. Ils sont des rivaux de l'Urartu et de l'Assyrie, mais ils sont plus tard tombés sous le joug de l'Urartu, jusqu'à être détruits et assimilés par les Mèdes sous Cyaxare en 616 av. J.-C. Le royaume d'Albanie du Caucase est fondé à la fin du IVe siècle av. J.-C. ou au début du IIIe siècle av. J.-C. La capitale initiale du royaume est Kabalaka (appelée également Chabala, Tabala, Kapalak, aujourd'hui Gabala). Plus tard, la capitale est déplacée vers le sud à Partaw (Partav ; aujourd'hui Barda).

Dans l'historiographie azerbaïdjanaise

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L'histoire de l'Albanie du Caucase est un sujet majeur des théories révisionnistes azerbaïdjanaises, qui font l'objet de critiques dans les cercles universitaires et analytiques occidentaux et russes, et ont souvent été qualifiées de « bizarres » et « futiles »[7],[8]. Dans son article « Le mythe albanais », l'historien et anthropologue russe Victor Schnirelmann déclare que les universitaires azerbaïdjanais ont « renommé d'éminents dirigeants politiques, historiens et écrivains arméniens médiévaux, qui vivaient au Haut-Karabagh et en Arménie en « Albanais » » . Il soutient que ces efforts ont été lancés pour la première fois dans les années 1950 et visent à « arracher la population du Haut-Karabagh médiéval de son héritage arménien » et à « nettoyer l'Azerbaïdjan de l'histoire arménienne ». À cet égard, Thomas de Waal, chercheur au Carnegie Endowment for International Peace, écrit sur le contexte politique du révisionnisme historique de l'Azerbaïdjan que « cet argument plutôt bizarre a pour sous-texte politique fort que le Haut-Karabagh était en fait Albanais du Caucase et donc que les Arméniens n'y ont aucun droit »[9], ceci dans un contexte de conflit entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Schnirelmann déclare qu'une des principales méthodes révisionnistes utilisées par les universitaires azerbaïdjanais est « la republication de sources anciennes et médiévales, où le terme « État arménien » est systématiquement supprimé et remplacé par « État albanais » ». L'auteur américain George Bournoutian donne des exemples de la façon dont cela a été fait par l'historien azerbaïdjanais Ziya Bunyadov. Thomas de Waal qualifie les références académiques de ce même auteur de « douteuses ». Il s'est avéré pas la suite que ses deux articles publiés en 1960 et 1965 sur l'Albanie du Caucase étaient du plagiat direct. Sous son propre nom, Bunyadov a simplement publié, sans attribution, les traductions de deux articles, écrits en anglais par les historiens C.F.J. Dowsett et Robert Hewsen[10]. Ce dernier faisant autorité dans le domaine de l'histoire du Caucase du Sud a écrit dans son volume Armenia : A Historical Atlas[11] :

« Les chercheurs doivent être sur leurs gardes lorsqu'ils utilisent des éditions azéries soviétiques et post-soviétiques de sources azéries, persanes et même russes et d'Europe occidentale imprimées à Bakou. Celles-ci ont été modifiés pour supprimer les références aux Arméniens et ont été distribués en grand nombre ces dernières années. Lors de l'utilisation de ces sources, les chercheurs devraient rechercher autant que possible les éditions pré-soviétiques »[12],[13].

Selon de Waal, une disciple de Bunyadov, Farida Mammadova, a « pris la théorie albanaise et l'a utilisée pour pousser complètement les Arméniens hors du Caucase. Elle a déplacé l'Albanie du Caucase dans ce qui est maintenant la république d'Arménie. Toutes ces terres, ces églises , et les monastères de la république d'Arménie - tous sont albanais. Aucun fait sacré arménien n'a été laissé sans attaque » . De Waal décrit Mammadova comme une version sophistiquée de ce qui « en Azerbaïdjan est devenu un instrument très affuté». Ziya Bunyadov et Farida Mammadova sont tous deux connus pour leurs déclarations publiques et leurs pamphlets anti-arméniens[14].

Le révisionnisme historique en Azerbaïdjan soutient un certain nombre de politiques sur le terrain, y compris le génocide culturel dirigé contre les monuments arméniens en Azerbaïdjan soviétique et post-soviétique. Avant et après l'indépendance de l'Azerbaïdjan en 1991, les pierres-croix commémoratives arméniennes, connues sous le nom de khachkars, érigées sur le territoire de l'Azerbaïdjan sont régulièrement présentées à tort comme étant l'œuvre des Albanais du Caucase[15]. Cette caractérisation erronée et les destructions associées contre les monuments historiques arméniens concernant également l'exclave azerbaïdjanaise du Nakhitchevan[16]. Le cas le plus emblématique, ayant donné lieu à des protestions internationales, est la destruction totale dans les années 2000 du cimetière arménien médiéval de Djoulfa qui comptaient des milliers de khachkars. Les premières accusations des Arméniens selon lesquelles l'Azerbaïdjan entreprenait une campagne systématique de destruction et de disparition de ces sculptures datent de la fin de 1998 ; elles sont renouvelées en 2002 et 2005. Adam T. Smith, anthropologue à l'université de Chicago, a qualifié la démolition des khatchkars d' « épisode honteux dans la relation de l'humanité à son passé, un acte déplorable de la part du gouvernement azerbaïdjanais qui nécessite à la fois une explication et réparation ». Smith et d'autres universitaires, ainsi que plusieurs sénateurs américains, signent une lettre à l'UNESCO et à d'autres organisations condamnant le gouvernement azerbaïdjanais. L'Azerbaïdjan soutient que les monuments n'étaient pas d'origine arménienne, mais d'origine albanaise du Caucase, ce qui, d'après Thomas De Waal, n'a pas suffit à protéger le cimetière.

Le génocide culturel anti-arménien en Azerbaïdjan perpétré avec justification par des théories révisionnistes sur l'Albanie du Caucase est également à l'œuvre dans le nord de l'Azerbaïdjan, où des archéologues norvégiens impliqués dans la restauration d'une église arméno-géorgienne dans le village de Kish près de la ville de Chaki, y ont été confrontés. Les Azerbaïdjanais ont effacé les inscriptions arméniennes présentes sur les murs de l'église, ce qui a conduit à une plainte officielle du ministère norvégien des Affaires étrangères[16].

Notes et références

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  1. (en) T. Mgaloblishvili, Ancient Christanity in the Caucasus, Curzon, Caucasus World, Routledge, (lire en ligne), p. 62
  2. a et b « Chrétientés oubliées: l’Albanie du Caucase », sur EEChO, (consulté le )
  3. (en) V. Minorsky, « Caucasica IV », Bulletin of the School of Oriental and African Studies, University of London, vol.  15, no 3,‎ , p. 504.
  4. (en) James Stuart Olson, An Ethnohistorical Dictionary of the Russian and Soviet Empires (ISBN 978-0-313-27497-8), p. 27.
  5. (en-US) Encyclopaedia Iranica Foundation, « Welcome to Encyclopaedia Iranica », sur iranicaonline.org (consulté le )
  6. (hy) Բագրատ Ուլուբաբյան, , «Դրվագներ Հայոց արևելից կողմանց պատմության (V-VII դդ.), Հայկական ՍՍՀ ԳԱ հրատարակչություն, Երևան 1981.
  7. De Waal, Thomas., The Caucasus : an introduction, Oxford University Press, (ISBN 978-0-19-539976-9, 0-19-539976-5 et 978-0-19-539977-6, OCLC 726827891, lire en ligne), page 108
  8. [1]
  9. De Waal, Thomas., The Caucasus : an introduction (ISBN 978-0-19-068309-2, 0-19-068309-0 et 978-0-19-068308-5, OCLC 1083261973, lire en ligne), p. 107
  10. De Waal, Thomas, author., Black garden : Armenia and Azerbaijan through peace and war (ISBN 0-8147-1944-9, 978-0-8147-1944-2 et 0-8147-1945-7, OCLC 1051463665, lire en ligne), p. 152
  11. Armenia: a historical atlas, University of Chicago Press, (ISBN 978-0-226-33228-4)
  12. Hewsen, Robert H., « Armenia : a historical atlas », University of Chicago Press, (ISBN 0-226-33228-4, consulté le )
  13. Frédéric Pons, L'Arménie va-t-elle disparaître ?: Un conflit oublié aux portes de l'Europe, Artège, , 240 p. (ISBN 979-1033614050)
  14. Chorbajian, Levon., The Caucasian knot : the history & geopolitics of Nagorno-Karabagh, Atlantic Highlands, NJ, (ISBN 1-85649-288-5 et 978-1-85649-288-1, OCLC 956880148, lire en ligne)
  15. Karny, Yo'av., Highlanders : a journey to the Caucasus in quest of memory, Farrar, Strauss and Giroux, (ISBN 0-374-22602-4 et 978-0-374-22602-2, OCLC 924483007, lire en ligne), p. 376
  16. a et b De Waal, Thomas., The Caucasus : an introduction (ISBN 978-0-19-068309-2, 0-19-068309-0 et 978-0-19-068308-5, OCLC 1083261973, lire en ligne), p. 107-108

Voir aussi

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Bibliographie

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  • (it) Marco Bais, Albanie caucasica : Ethnos, storia, territorio attarverso le fonto greche, latine e armene, Milano, Mimesis, , 224 p. (ISBN 88-87231-95-8).
  • Bernard Outtier, Aygun Eyyubova, Elisabeth de Pablo et Valérie Legrand, Au pied de la montagne des langues., (lire en ligne) — B. Outtier y parle de la fabuleuse découverte au Sinaï des palimpsestes avec des textes albaniens, et aussi de l'histoire des Albaniens - des ancêtres des Azerbaïdjanais modernes - de l'Albanie caucasienne, de la chrétienté locale et de l'alphabet albanien.
  • Robert Hewsen, Armenia: A Historical Atlas, University of Chicago Press, 2001.

Articles connexes

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Liens externes

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