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Royaume Tio

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Royaume Tio

XVIIe siècle – 1892

Description de cette image, également commentée ci-après
Le royaume Tio et ses voisins
Informations générales
Statut Royaume
Capitale change à la mort de chaque roi, forêts de Mpié, Nko, Impoh, Mbé résidence des Makokos depuis 1937
Langue(s) Langues teke
Religion religions traditionnelles
Histoire et événements
1874 Illoy Ier devient Makoko (roi)
La France ratifie le traité du Makoko Illoy Ier

Le royaume Tio (ou Tyo), royaume Batéké, royaume Anzico ou encore royaume (du/de) Makoko[1],[2],[3],[4], est un royaume pré-colonial d'Afrique centrale. Son territoire s'étendait sur l'est de l'actuel Gabon, l'ouest de l'actuelle république du Congo, sur la rive gauche du fleuve Congo : actuellement Kinshasa et l'ouest du Mai-Ndombe en République démocratique du Congo.

Fondé au XVIIe siècle, il dure jusqu'à la fin du XIXe siècle, lorsque les Français placent le territoire « sous leur protection ». La lignée des Makoko (« roi ») se perpétue jusqu'à nos jours.

Étymologie

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Le mot « Anzico » viendrait de la phrase anziku nziku qui, en langue kikongo, signifie « courir » et désignait les habitants au-delà du nord du royaume de Kongo, particulièrement les Batéké[5] appelés aussi Tio ; cette appellation concernait aussi les Punu et d'autres encore[6]. Le royaume (du/de) Makoko, quant à lui, fait allusion à l'appellation du souverain, nommé Makoko.

Au début du XVIIe siècle, les Téké contrôlent les mines de cuivre et de fer[7] aux environs de la frontière nord-est du royaume de Kongo, et jouent probablement un rôle d'intermédiaire entre les Bakongo et leurs voisins[8],[9]. Lorsque les divers groupes Téké se coalisent, sans doute aux alentours du XVe siècle[10] ou du XVIe siècle, pour former un royaume indépendant[8],[11], le Kongo s'attache à reprendre le contrôle des mines. Le processus politique fut achevé vers les années 1620. Il y eut des combats entre les deux royaumes durant tout le XVIIe siècle[12]. Après l'arrivée des Portugais, le royaume s'engage dans la traite esclavagiste au XVIe siècle[13].

Le Makoko de Mbé et sa cour vers 1907.

Le royaume perdure jusqu'au xixe siècle, en partie grâce à son relatif isolement, loin des pouvoirs côtiers et des influences européennes. Mais après les Portugais, d'autres Européens s'intéressent à la zone ; en 1880, Pierre Savorgnan de Brazza, en mission non officielle pour le compte de la France, est en compétition avec Henry Morton Stanley, en mission pour le compte du roi de Belgique Léopold II, chacun œuvrant pour le développement colonial de son commanditaire (via l'Association internationale africaine pour la Belgique) ; Brazza signe en 1880 le traité de Makoko avec Illoy Ier, qui place son royaume sous la suzeraineté de la France[14] ; les Français installent un poste qui deviendra Brazzaville[15].

Un an plus tard, Ngaliema Insi, « ancien esclave enrichi »[16], chef du village Kintambo sur la rive gauche du Congo[17], qui « représente l'autorité du Makoko de Mbé auprès des chefs Bateke du Pool »[18], signe avec Stanley un traité d'amitié. Dans le même temps, en 1884, le Portugal et le Royaume-Uni signent un traité visant à empêcher l’accès à la mer pour l'Association internationale africaine[19]. Ce sont les débuts de la colonisation. Ce traité Makoko est une des causes de la convocation de la conférence de Berlin, en 1884-85[20], visant, entre autres, au partage du Congo entre les puissances européennes[note 1].

Géographie

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Le royaume était centré sur le fleuve Congo, autour du lac Pool Malebo[8]. Il contrôlait les terres au nord de celles de ses voisins, le royaume de Loango et celui du Kongo[22]. Les Téké vivaient sur les plateaux de la région depuis fort longtemps[23], sans doute le VIIe siècle[22]. Vers 1600, ils contrôlaient le cours inférieur du fleuve Congo et, au nord-ouest, le bassin de la rivière Kouilou-Niari[12].

Le royaume manufacturait et commercait des tissus végétaux (raphia), de la poterie, du cuivre, de la céramique, de l'ivoire, du tabac, des arachides, des bovins, des chèvres, de l'igname, des tapis, des filets[8],[23]… Le contrôle des mines, de cuivre particulièrement, fut le sujet de plusieurs conflits avec son voisin du Kongo.[réf. nécessaire]

Culture et organisation sociale

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Hache de prestige Téké.
AfricaMuseum en 2012

On sait peu de choses sur le fonctionnement du royaume. Il était gouverné par un roi, appelé Makoko, d'où le nom donné à son royaume. Selon l'un de ses rares visiteurs, le makoko gouvernait douze vassaux[14], mais il s'agissait sans doute plus d'un pouvoir spirituel que séculier[note 2]. La capitale était appelée Monsol par Pigafetta[4], mais elle est identifiée avec la cité de Mbé[25],[26], laquelle changea d'emplacement au gré de l'histoire[note 3].

Le royaume était structuré autour d'une idéologie, le Nkwembali, selon laquelle le monde est habité par des esprits, « les Nkira, esprits de la nature et les Ikwi, esprits des ancêtres défunts » ; le rôle du Makoko (« roi ») est de protéger le Nkwembali ; il s'appuie sur les Ngantsii, chefs de clan et de terre. Le pouvoir est matérialisé par la possession des nkobi, des boîtes en bois, objets symboliques du pouvoir[28],[29],[27],[30].

Les Anzico ont sans doute été un groupe militaire protégeant la frontière des Bakongo. Ils étaient réputés excellents guerriers et courageux. Ils étaient spécialisés dans le tir à l'arc et usaient de flèches empoisonnées[31]. En combat rapproché, ils utilisaient des haches de guerre et des boucliers[32],[33].

Les Anzico furent parfois décrits, certainement à tort[34],[35], comme cannibales par certains auteurs européens[36],[37],[38] : « les Européens s'imaginaient qu'on trouvait dans les villages de cannibales des boucheries où se dépeçait et se vendait de la chair humaine[39] ». Howard Phillips Lovecraft y fait une allusion explicite dans sa nouvelle The Picture in the House[40],[41].

Les Batékés/Anzico pratiquaient la scarification faciale[42]. Ils étaient également connus pour leur art élaboré du vêtement et de la coiffure[43], notamment celui des tresses ornementales. Les roturiers des deux sexes étaient généralement nus jusqu'à la ceinture, mais les riches étaient vêtus « de la tête aux pieds » selon les comptes rendus européens[44]. Les nobles portaient des robes de soie importées de la côte[45].

Repères chronologiques

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Chronologie simplifiée[46].

Xe millénaire av. J.-C.

occupation des plateaux et collines batéké par des chasseurs-cueilleurs.

Ve siècle av. J.-C.

apparition de la céramique et de la culture du palmier ; débuts de la sédentarisation.

Ier siècle

apparition et généralisation du travail du métal.

XIe – XIIe siècles

expansion du travail du fer, apparition de nouvelles formes de céramique, implantation téké.

les Portugais envahissent le royaume de Kongo ; son roi christianisé part en guerre contre les Anziques.

les Téké sont impliqués dans la traite esclavagiste.

-

les Téké attaquent le royaume de Kongo.

-

séjour du Portugais Duarte Lopes qui communique de précieux renseignements sur les mines de cuivre du royaume.

Vers

intensification de la traite esclavagiste, développement du port de Loango.

Vers -

apparition de nouvelles aristocraties ; certains tirent leur légitimité de la possession de nkobi.

Stanley descend le fleuve Congo et accoste à Malébo (qui deviendra Stanley Pool, aujourd'hui Pool Malebo).

Pierre Savorgnan de Brazza signe avec Illoy Ier un traité qui place ses terres sous la « protection » de la France.

indépendance ; la lignée des rois descendants du Makoko existe encore au XXIe siècle[47].

Références

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  1. « Toutes les puissances civilisées se préoccupent de ce que l'on appelle la question du Congo — c'est en réalité la question de l'Afrique équatoriale — […][21] ».
  2. « Mokoko jouit du prestige que les Batékés attache à la possession des fétiches. […] Mais son action effective sur les Batékés est loin de correspondre à son influence morale : elle ne dépasse pas les cases de son village[24]. »
  3. « La Cité de Mbé : capitale du royaume et résidence du Makoko (roi). Elle a connu des déplacements incessants tout au long de l’histoire. La tradition culturelle Téké précoloniale en effet, exigeait le déplacement de la capitale « Mbé » chaque fois qu’un roi venait à mourir[27]. »

Références

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  1. Zoula 2015.
  2. « Le royaume du Makoko », sur brazza.culture.fr (consulté le ).
  3. Obenga 1969, p. 28.
  4. a et b Th. Simar, Le Congo au XVIe siècle d'après la relation de Lopez-Pigafetta, Bruxelles, Vromant, , p. 79 & sq.
  5. Lopes et Pigafetta 2002, p. 261.
  6. Kabolo Iko Kabwita, Le royaume Kongo et la mission catholique 1750-1838, Karthala, , 488 p. (lire en ligne), p. 304, note 5.
  7. Dupré 1981-1982, p. 197.
  8. a b c et d Shillington 2013, p. 508.
  9. Louis Papy, « Les populations Batéké (Afrique Équatoriale Française) », Cahiers d'outre-mer, vol. 2, no 6,‎ , p. 112-134 (p. 119) (lire en ligne).
  10. Pierre Vennetier, Géographie du Congo Brazzaville, Paris, Gauthier-Vilars, (lire en ligne), p. 57.
  11. Missié 2008, p. 841.
  12. a et b Dupré 1985, p. 53.
  13. DPDC, p. 9.
  14. a et b DPDC, p. 11.
  15. Robert Edmond Ziavoula, Brazzaville, une ville à reconstruire : recompositions citadines, Karthala, (lire en ligne).
  16. Histoire générale de l'Afrique, vol. 6, p. 346.
  17. Jean-Pierre Missié, « Ethnicité et territorialité », Cahiers d’études africaines, no 192,‎ (lire en ligne)
  18. François Bontinck, « Coquery-Vidrovitch (Catherine). Brazza et la prise de possession du Congo. La Mission de l'Ouest Africain, 1883-1885 » (recension), Revue belge de philologie et d'histoire, t. 49, no 1,‎ , p. 132-138 (lire en ligne)
  19. René Pinon, « La Colonie du Mozambique et l’Alliance anglo-portugaise », Revue des Deux Mondes, t. 2,‎ , p. 56-86.
  20. DPDC, p. 13.
  21. E. Weyl, Le Congo devant l'Europe. Le traité anglo-portugais. La mission de Brazza. L'association internationale du Congo, Paris, Maurice Dreyfous, (lire en ligne), p. 3
  22. a et b Missié 2008, p. 840.
  23. a et b DPDC, p. 6.
  24. Guiral 1889, p. 293.
  25. « Teke », Société des historiens du Congo Brazzaville
  26. Dupré et Pinçon 1997, p. 21.
  27. a et b « Domaine royal de Mbé », Unesco, Centre du patrimoine mondial
  28. Tonda 2002, p. 80.
  29. DPDC, p. 4.
  30. Dupré 1981-1982, p. 236.
  31. Guiral 1889, p. 168.
  32. RMN 1998, p. 8.
  33. Guiral 1889, p. 157, 168-169.
  34. Lopes et Pigafetta 2002, p. 265.
  35. Ferrario 1827, p. 340.
  36. Soret 1970, p. 94-95.
  37. Lopes et Pigafetta 2002, p. 68.
  38. Arthur Vermeersch, La question congolaise, Bruxelles, Charles Bulens, (lire en ligne), p. 32
  39. Lopes et Pigafetta 2002, p. 266.
  40. (en) « Ben Onwukwe - The Picture In The House by HP Lovecraft », sur spokenworldaudio.com
  41. « (Lovecraft HP) The Picture in the House », sur ddkebooks.com
  42. Lopes et Pigafetta 2002, p. 72, 266.
  43. Guiral 1889, p. 240.
  44. Obenga 1969, p. 42-43.
  45. Lopes et Pigafetta 2002, p. 73, 76.
  46. RMN 1998, p. 18-20.
  47. Devey Malu-Malu 2013.

Bibliographie

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  • Olfert Dapper, Description de l'Afrique, Amsterdam, (lire en ligne).
  • Jules Ferrario, Le Costume ancien et moderne ou Histoire de gouvernement, de la milice, de la religion, des arts, sciences et usages de tous les peuples anciens et modernes, vol. 2 : Afrique, (lire en ligne).
  • (en) Conrad Malte-Brun, Universal Geography : Or, A Description of the World, on a New Plan, According to the Great Natural Divisions of the World, J. Laval, .
  • Victor-Adolphe Malte-Brun, Géographie complète et universelle, t. 4, livre 95e, Paris, Morizot, (lire en ligne).
  • Léon Guiral, Le Congo français, du Gabon à Brazzaville, Plon & Nourrit, (lire en ligne).
  • Henri Brunschwig, « La négociation du traité Makoko », Cahiers d'études africaines, vol. 5, no 17,‎ , p. 5-56 (DOI 10.3406/cea.1965.3024).
  • Mwene Ndzale Obenga, « Le royaume de Makoko », Présence africaine, no 70,‎ , p. 27-45 (DOI 10.3917/presa.070.0027).
  • Marcel Soret, Les Teke de l'est, essai sur l'adaptation d'une population à son milieu (thèse), Faculté des lettres et sciences humaines de Lyon, (lire en ligne).
  • (en) Jan Vansina, The Tio Kingdom of the middle Congo 1880-1892, Oxford University Press, (ISBN 978-0-19-724189-9)
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  • Jacob Festus Adeniyi Ajayi (dir.), Histoire générale de l'Afrique, vol. 6 : L’Afrique au XIXe siècle jusque vers les années 1880, UNESCO, .
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  • Joseph Tonda, La guérison divine en Afrique centrale (Congo, Gabon), Karthala, (lire en ligne).
  • Duarte Lopes et Filippo Pigafetta (trad. Willy Bal), Le royaume de Congo & les contrées environnantes (1591), Chandeigne/UNESCO, coll. « Magellane », , 384 p. (ISBN 978-2-906462-82-3, lire en ligne).
  • Jean-Pierre Missié, « Ethnicité et territorialité. Deux modes du vécu identitaire chez les Teke du Congo-Brazzaville », Cahiers d’études africaines, no 192,‎ , p. 835-864 (lire en ligne).
  • Jean Omer Ntady, Philippe Diaboussafou, Gaspard Ngoma et Bakonirina Rakotomamonjy, Le domaine du Makoko. Mbé, Congo-Brazzaville, Direction du patrimoine et du développement culturel (Ministère de la Culture et des Arts) / CRAterre, ENSAG (programme Africa2009) (lire en ligne).
  • (en) Kevin Shillington (dir.), Encyclopedia of African History, Routledge, (lire en ligne).
  • Muriel Devey Malu-Malu, « Auguste Nguempio, 17e Makoko, roi des Tékés, 86 ans », Jeune Afrique,‎ (lire en ligne).
  • France Zoula (AESCT Sahel), « Le Royaume Téké », sur dmcarc.com, .

Articles connexes

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