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Théâtre gallo-romain de Vieux

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Théâtre gallo-romain de Vieux
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Le théâtre gallo-romain de Vieux est un édifice de spectacles du site archéologique de Vieux-la-Romaine, l'antique Aregenua, située à environ 10 km au sud de Caen[2], dans le département du Calvados, en Normandie (France).

Le site de Vieux est fouillé à partir du XVIIIe siècle.

Fouillé au milieu du XIXe siècle par la Société des antiquaires de Normandie, l'édifice est redécouvert lors de fouilles au début du XXIe siècle mais ces derniers travaux sont superficiels et ne complètent pas les apports du XIXe siècle qui restent la base de notre connaissance de l'édifice. Les vestiges sont présents sous très peu de surface et une butte marque sa présence.

Localisation

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Plan de la cité
Plan simplifié d'Aregenua.

La commune actuelle de Vieux se trouve à environ 20 km de la Manche[C 1]. L'édifice de spectacles, au nord-ouest de la cité antique, sur « un coteau faiblement incliné vers le sud »[B 1], se situe à 150 m du lieu-dit actuel Jardin Poulain[C 2].

Dans le même secteur se situe la maison à la cour en U, demeure urbaine plus modeste que la très riche Maison au grand péristyle de Vieux-la-Romaine. Elle comporte à la fois atelier et boutiques en façade[D 1].

Histoire ancienne du site

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Cité des Viducasses

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Aregenua, capitale des Viducasses, un des peuples de la Gaule lyonnaise, est créée au Ier siècle apr. J.-C.. Après son apogée aux IIe et IIIe siècles et plus précisément sous la dynastie des Sévères, elle est très touchée par les premières invasions barbares de la fin du IIIe siècle. Au IIIe siècle le nom de la cité est désormais Civitas Viducassium selon l'inscription du Marbre de Thorigny[D 2].

Le secteur oriental de la cité n'a plus d'activité à la fin du IIIe siècle[D 1]. La cité fusionne avec Bayeux au début du IVe siècle et disparaît « administrativement » vers 400[D 3]. Même si le site reste occupé, une partie non négligeable de la population semble partir s'installer dans d'autres entités urbaines ou dans des domaines ruraux[D 1].

Histoire du quartier du théâtre

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Le quartier du théâtre est mal connu au début du XXIe siècle[B 2]. Le quartier périphérique de la cité est celui des artisans et est également le lieu où ont été retrouvées les ruines du théâtre[A 1]. Le secteur était surtout occupé par des bâtiments à pans de bois[B 3].

Un premier édifice de spectacles est bâti fin du Ier siècle-début du IIe siècle[A 1],[B 1]. Quelques dizaines d'années après, le théâtre est transformé en édifice à arène[A 1] afin de pouvoir y jouer des spectacles d'amphithéâtres[C 2]. Un demi-cercle est ajouté à l'orchestra[F 1]. Cette transformation a peut-être lieu au milieu[E 1] ou à la fin du IIe siècle[D 1]. Pascal Vipard évoque une transformation entre le deuxième et le dernier quart du IIe siècle[B 1]. Cette transformation a fait disparaître la plupart de la structure du premier théâtre[B 1]. Le secteur de l'arène a peut-être été modifié car un mur témoigne de transformations[B 1].

Titus Sennius Solemnis prêtre de Diane, Mars et Mercure a dépensé en 238 25 000 sesterces pour 4 jours de spectacles[E 1].

Histoire du site depuis la fin de l'Antiquité

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Le théâtre est abandonné à la fin du IIIe siècle, peut-être suite à un incendie. Les fouilles ont livré du bois carbonisé à l'emplacement des gradins[B 1] et également des clous[B 4]. L'incendie a peut-être eu lieu après l'abandon de l'édifice[B 5].

Pascal Vipard estime à partir des découvertes numismatiques « une fréquentation probable à la fin du IIIe siècle » et une absence de monnaies au IVe siècle si ce n'est une monnaie de Valentinien Ier}[B 5].

Les ruines sont utilisées comme source de matériaux, et un four à chaux est installé[A 2]. Des éléments lapidaires à relier à l'édifice de spectacles, des fragments de frise taillés en sarcophage, sont retrouvés dans les fouilles de la nécropole d'époque franque du Grand Champ au XIXe siècle[B 6]. Le décor de colonnes et d'entablement est réutilisé dans la nécropole[B 2]. Le théâtre reste utilisé comme carrière aux VIIe siècle-VIIIe siècle[B 2]. Sept monnaies de billon d'époque médiévale sont trouvées par les fouilleurs[B 2].

Les ruines de l'édifice restent présentes dans le paysage durant une longue période[A 2].

Redécouverte du site

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Plan moderne, localisation les différents sites de Vieux-la-Romaine : théâtre gallo-romain, forum, deux maisons et musée
Plan moderne de l'ensemble du site de Vieux-la-Romaine.

Découverte du théâtre au XIXe siècle

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Les thermes de la cité sont fouillés dès les années 1730[D 1].

Le théâtre a été fouillé au XIXe, plus précisément en 1852-1854 par Antoine Charma de la Société des antiquaires de Normandie[B 1]. Les vestiges dégagés ont été enterrés après que les fouilles aient pu permettre de lever un plan de l'édifice. Le site précis de l'édifice est oublié peu à peu[A 1] et sa localisation longtemps problématique[B 1].

Protection des vestiges et travaux depuis la fin du XXe siècle

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Site du théâtre en 2021 : il est situé précisément face au parking en haut à droite.

Les ruines du théâtre gallo-romain bénéficient de deux types de protection : les vestiges contenus au lieu-dit du Jardin Poulain sont classés monument historique le , alors que ceux retrouvés au lieu-dit de l'École sont seulement inscrits le [2].

Une prospection magnétique réalisée par l'archéologue Christian Pilet en 1982 donne des indices de localisation[C 2]. La localisation est précisée après une fouille en 1995[B 1].

Les fondations de l'édifice sont retrouvées lors de fouilles au début du XXIe siècle[A 1].

Description

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Premier édifice

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Le premier édifice a en majeure partie disparu lors des aménagements ultérieurs[B 1].

Les fouilles ont permis de mettre au jour le mur de façade et le postscaenium du premier théâtre : le mur de façade est en petit appareil calcaire. Le bâtiment identifié comme le bâtiment de scène mesurait 7,40 m de long et large de 2,80 m et les vestiges sont constitués de grès de May. Le plan de l'édifice, en arc de cercle outrepassé, est proche des édifices de Sanxay ou du Vieil-Evreux[B 1].

La cavea du premier édifice avait un diamètre de 67 m[E 1].

Le premier théâtre de la ville comportait une scène de 50 m2[A 1].

Théâtre à arène

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Le plan du second théâtre n'est pas connu intégralement : les circulations internes, les locaux de service ou l'angle sud-est ne sont pas connus[B 1].

L'édifice, dans sa seconde version, comporte des gradins et une arène de 60 m2[A 1]. Les gradins étaient « certainement » en bois et orientés au sud[C 2]. Les fouilleurs ont trouvé une quantité importante de bois carbonisé[B 1].

Le diamètre de la cavea est alors de 80 m[E 1]. L'édifice viducasse, loin des dimensions du théâtre de Lillebonne avec ses 148 m de diamètre, appartient à la catégorie d'édifices de taille moyenne comme à Valognes, Lyons-la-Forêt ou Saint-André-sur-Cailly[F 2]. La cavea est un arc dissymétrique [B 1]. Vingt contreforts ont été retrouvés[B 1]. La façade devait avoir une longueur entre 66 m et 70 m[B 1]. Le mur de la cavea est irrégulier, avec une largeur allant de 0,65 m à 1,30 m[B 1].

Le bâtiment de scène mesure 14 m et profond de 6 m à 7,50 m soit une surface de 50 m2[B 1].

L'arène est une « fausse ellipse » mesurant 29 m ou 31 m sur 25 m pour une surface d'environ 610 m2[B 1].

Les gradins dans le théâtre gallo-romain étaient partiellement soutenus par des voûtes car l'édifice tirait profit de la pente naturelle[F 3]. A Vieux, les fouilles ont livré à l'angle sud-ouest six exèdres semi-circulaires jouant ce rôle de soutien, comme à Augst, Fréjus ou Lutèce[F 4].

Une galerie de circulation large de 3 m à 3,50 m entourait le théâtre[F 1]. Deux couloirs larges de 3,10 m pour l'un situé à l'est et 3,80 m pour celui situé à l'ouest[B 1].

L'édifice était construit également en calcaire et marbre de Vieux[A 1].

L'estimation de la contenance de l'édifice a varié depuis le XIXe siècle. Les premiers fouilleurs, Charma, l'estiment à 3 500 places[C 2],[B 1]. Le théâtre contenait 6 000 places assises[3]. La capacité de l'édifice est estimée en 2021 entre 5 700 et 7 600 personnes[A 1] suivant une nouvelle méthode de calcul[B 1].

Interprétation

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Édifices de spectacles dans l'espace de la future Normandie

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Le théâtre est essentiel dans la Rome antique et dans l'espace de la Normandie actuelle[F 5], chaque membre de la société pouvant assister aux spectacles[A 1].

Les théâtres étaient le site des tragédies, comédies, mimes et pantomimes ; les amphithéâtres étaient le siège des combats de gladiateurs ou de chasses[F 5]. Les courses de chars étaient également populaires mais aucun cirque, lieu habituel de ce type de spectacles, n'a été retrouvé dans la Normandie actuelle[F 5]. Les représentations de jeux de gladiature sont connues dont une statuette en provenance de Lillebonne et conservée au musée des antiquités de Rouen ; un bol trouvé à Trouville-en-Caux présente pour sa part une course de chars. Ces objets sont issus du « commerce de longue distance »[F 6].

Les spectacles avaient lieu les après-midis, la population pouvant aller dans les boutiques ou dans les ateliers artisanaux présents dans le quartier[A 1].

Les spectateurs étaient installés sur des gradins dans la cavea, les meilleures places proches de la scène étaient réservées aux membres les plus notables de la communauté[F 3].

Les édifices de spectacles devaient contribuer à la romanisation des campagnes gauloises[F 5]. Le théâtre est un des éléments de diffusion de la romanisation[F 6].

Édifice avec les spécificités du théâtre gallo-romain

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Les théâtres témoignent de la romanisation de la Gaule et de l'adaptation au contexte local[F 6]. Le théâtre est lié à des fêtes religieuses[F 7].

La Gaule connaît selon Élisabeth Deniaux « l'invention d'un nouvel espace théâtral » : l'édifice, très coûteux, est « un monument de prestige, une construction ostentatoire ». Les matériaux et la main d’œuvre nécessaires sont très importants. Il prend appui sur les collines[F 8]. Les édifices théâtraux, même dans les petites communautés, sont rarement petits[F 3].

Le théâtre gallo-romain est un « édifice mixte » pouvant abriter tant les spectacles théâtraux que les jeux d'amphithéâtre[F 1].

Le plan du théâtre de Vieux se rapproche de celui de Lillebonne, avec une « aire plane elliptique »[F 1]. Il « rappelle étonnamment » celui de Lisieux d'après Pierre Jeanjean[G 1].

Spécificités du théâtre de Vieux

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Le théâtre semble mettre en avant les spectacles d'amphithéâtres par rapport à la scène destinée aux spectacles de théâtre. Pascal Vipard signale que « rien n'interdit de supposer l'existence d'une scène en bois amovible »[B 1].

Notes et références

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  1. Géoportail
  2. a et b « Théâtre gallo-romain de Vieux », notice no PA00111801, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture
  3. « Dans les pas de Vieux-la-Romaine », sur Emag du Calvados, (consulté le )
  • Vieux-la-Romaine Aregenua
  • La cité d'Aregenua (Vieux, Calvados); chef-lieu des Viducasses. état des connaissances
  1. a b c d e f g h i j k l m n o p q r s t u v et w Vipard 2002, p. 31.
  2. a b c et d Vipard 2002, p. 33.
  3. Vipard 2002, p. 30.
  4. Vipard 2002, p. 31-32.
  5. a et b Vipard 2002, p. 32.
  6. Vipard 2002, p. 34.
  • Carte archéologique de la Gaule, 14. Le Calvados
  1. Delacampagne 1990, p. 79.
  2. a b c d et e Delacampagne 1990, p. 82.
  • Vieux / Aregenua (Calvados)
  1. a b c d et e Delaval 2004, p. 498.
  2. Delaval 2004, p. 497-498.
  3. Delaval 2004, p. 497.
  • Roman théâtres
  1. a b c et d Sear 2006, p. 223.
  • La Normandie avant les Normands, de la conquête romaine à l'arrivée des Vikings
  1. a b c et d Deniaux et al. 2002, p. 113.
  2. Deniaux et al. 2002, p. 111-112.
  3. a b et c Deniaux et al. 2002, p. 112.
  4. Deniaux et al. 2002, p. 113-114.
  5. a b c et d Deniaux et al. 2002, p. 109.
  6. a b et c Deniaux et al. 2002, p. 110.
  7. Deniaux et al. 2002, p. 111.
  8. Deniaux et al. 2002, p. 110-111.
  • Le théâtre romain de Lisieux
  1. Jeanjean 1971, p. 26.

Bibliographie

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Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

Ouvrages généraux ou sur d'autres sites

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  • Florence Delacampagne, Carte archéologique de la Gaule, 14. Le Calvados, Paris, Éd. de la Maison des sciences de l'homme, , 166 p. (ISBN 2-87754-011-1). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Elisabeth Deniaux, Claude Lorren, Pierre Bauduin et Thomas Jarry, La Normandie avant les Normands, de la conquête romaine à l'arrivée des Vikings, Rennes, Ouest-France, . Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article.
  • Claude Groud-Coudray, La Normandie gallo-romaine, Cully, OREP éditions, , 31 p. (ISBN 978-2-915762-18-1).
  • Pierre Jeanjean, « Le théâtre romain de Lisieux », Le Pays d'Auge, vol. Février, no 2,‎ , p. 22-26. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article.
  • (en) Frank Sear, Roman théâtres : An architectural study, Oxford, Oxford University Press, , 609 p. (ISBN 978-0-19-814469-4, lire en ligne). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article

Ouvrages sur le site archéologique de Vieux ou sur l'édifice

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  • Arcisse de Caumont, « [sans titre] », Bulletin monumental, no XX,‎ , p. 548-556
  • Antoine Charma, « Rapport sur les fouilles pratiquées au village de Vieux près Caen (Calvados) pendant les années 1852, 1853 et 1854 », Mémoires de la société des antiquaires de Normandie, no XX,‎ , p. 458-485
  • Éric Delaval, « Vieux / Aregenua (Calvados) », dans Capitales éphémères. Des Capitales de cités perdent leur statut dans l’Antiquité tardive, Actes du colloque Tours 6-8 mars 2003, , 497-500 p. (lire en ligne). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article.
  • Éric Delaval, « Vieux, antique Aregenua : actualité de la recherche », Revue archéologique, no 1,‎ , p. 215-220 (lire en ligne, consulté le )
  • Karine Jardel, Jean-Yves Lelièvre et Sidonie Rican, Vieux-la-Romaine Aregenua, Bayeux, OREP éditions, , 64 p. (ISBN 978-2-8151-0620-7). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article.
  • Service archéologie du département du Calvados, « Vieux-la-Romaine, nouvelles découvertes et reconstitutions », Archéologia, t. 535,‎ , p. 62-67.
  • Christian Pilet, « Vieux antique (Araegenuae, Viducasses) », Revue archéologique de l'ouest, nos 1984-1,‎ , p. 63-84 (www.persee.fr/doc/rao_0767-709x_1984_num_1_1_861).
  • Pascal Vipard, La cité d'Aregenua (Vieux, Calvados); chef-lieu des Viducasses. état des connaissances, Château-Gonthier, (ISBN 9782913993051). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article.

Articles connexes

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Liens externes

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