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Revue du chant grégorien

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La Revue du chant grégorien est une publication bimestrielle consacrée au chant grégorien, fondée en 1892 à Grenoble par l'abbé Cyrille Vincent-Martin († 1896)[1] avec le concours de Dom Joseph Pothier[2]. Il s'agit de la première revue française concernant ce sujet, avec la série paléographie musicale de l'abbaye Saint-Pierre de Solesmes (depuis 1889). Sa parution continua jusqu'à ce que ne l'empêche la Seconde Guerre mondiale, en 1940.

Le titre exact est Revue du chant grégorien, et non Revue de chant grégorien parfois employé. Cette revue, indispensable pour les études, est citée souvent sous l'abréviation RCG[3].

La Revue du chant grégorien naquit à Grenoble en 1892, et avait été fondée par le chanoine Cyrille Vincent-Martin[1]. Son origine peut remonter à 1891, avec le chanoine Duport[4], selon l'Académie delphinale (1922), dont le bulletin suggère un lien entre sa création et le Grand séminaire de Grenoble[5].

Ce lancement était courageux, car à l'époque, l'usage de chant grégorien était quasiment en dehors de l'autorité ecclésiastique, hormis dans quelques paroisses[ve 1] et auprès des communautés bénédictines en France[cd 1]. D'abord, le Vatican conservait sa protection pour l'édition de Ratisbonne, à savoir néo-médicéenne, avec un privilège de 1871 à 1901[ve 2]. Ensuite, la France subissait encore le gallicanisme. Enfin, la composition et l'utilisation du plain-chant musical[ve 3] étaient fréquentes[1]. Aussi était-il normal que l'abbé Vincent-Martin ait demandé à Dom Joseph Pothier, restaurateur le plus connu du chant grégorien à l'époque, de soutenir ce nouveau projet, afin d'éviter son échec. Dom Pothier, quant à lui, avait été opposé au lancement de la série Paléographie musicale, non que le sujet ne fût pas favorable mais parce que les finances de Solesmes risquaient de devenir défaillantes, en raison de plusieurs publications non officielles[cd 2]. Ecarté par celle-ci, mais en profitant de la revue de Grenoble, ce musicologue pouvait obtenir de nombreux lecteurs.

L'abbé Vincent-Martin plaçait son bureau de la Rédaction-Adminstraction au 2, rue Paul-Bert[rcg96 1], actuellement sur la place Victor-Hugo. Pour l'édition, il choisit l'imprimerie Baratier et Dardelet.

La première revue parut le , fête de l'Assomption de Marie[h 1]. Grâce aux commentaires de Dom Pothier, la publication était effectivement appréciée ainsi que contribua considérablement à améliorer la connaissance des mélodies grégoriennes[h 1].

« Cette nouvelle publication, éditée avec beaucoup d'élégance, s'occupe exclusivement de chant grégorien. Sans être une œuvre scientifique, elle se propose cependant de faciliter la connaissance exacte du chant grégorien et de donner les renseignements qui regardent sa valeur et son développement. ......... La Revue du chant grégorien étudie et explique le chant liturgique d'après l'édition des manuscrits, c'est-à-dire d'après l'édition des bénédictins de Solesmes. Cela suffit pour montrer combien sérieuses sont les intentions qui dirigent cette nouvelle publication. Nous souhaitons à notre confrère longue et prospère vie, comme le mérite l'excellence de la cause qu'il défend[cd 3]. »

— Revue du chant grégorien, 1893, p.81

Succession par Dom Joseph Pothier

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Dom Joseph Pothier.

Simultanément, une grande élévation de Dom Joseph Pothier se profila tandis que la revue en profitait vraisemblablement. D'abord, à la suite d'une demande de l'abbaye Saint-Martin de Ligugé[6], il devint prieur claustral de Ligugé en [h 1]. Puis en en continuant son soutien pour la revue, Dom Pothier fut envoyé, en qualité de supérieur, à Saint-Wandrille-Rançon afin de rétablir la tradition monastique de l'ancienne abbaye Saint-Wandrille de Fontenelle, antique monastère duquel ce musicologue allait devenir le nouvel abbé régulier en [h 2]. Avant cette consécration, l'abbé Vincent-Martin mourut à Grenoble en 1896[1]. Comme Dom Pothier lui succéda suite de ce trépas, la publication se poursuivit sans interruption[h 2].

« Les funérailles de M. l'abbé Cyrille — car on l'appelait ainsi à Grenoble, où il fut le plus populaire des vicaires et des aumôniers — ont été un véritable triomphe[rcg96 2]. »

— L'abbé J. Martin, M. abbé Cyrille Vincent-Martin dans la Revue du chant grégorien, 1896, p. 130

Cette revue enregistrait le changement d'attitude de Rome dans les années 1890, ce que souhaitaient l'abbé Vincent-Martin, Dom Pothier et Solesmes :

« Jadis Rome donna le chant grégorien à la France par saint Grégoire, aujourd'hui, nous l'avons perdu, et voilà que la France va nous le rendre[cd 4]. »

— Cardinal Parocchi, 1898, p. 156, lors de la conférence au Séminaire français de Rome

Soutien par Dom Alexandre Grospellier et succession par Dom Lucien David

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Avant que la Première Guerre mondiale n'empêche la publication, Dom Pothier connut une difficulté d'ordre géographique. Certes, l'élection de nouveau pape saint Pie X et l'officialisation suivante du chant grégorien en 1903 étaient vraiment favorables pour la revue, mais en le Souverain Pontife nomma Dom Pothier le président de la première commission pour l'Édition Vaticane. Il lui fallait donc demeurer désormais à Rome, de fait, jusqu'à la publication de l'antiphonaire en 1912[h 3]. Heureusement, Dom Pothier trouva son précieux collaborateur au sein de son propre monastère de Saint-Wandrille ; il s'agissait de Dom Lucien David, lequel devint son secrétaire et qui était capable de soutenir les tâches difficiles en faveur de l'édition de Pie X[h 4],[7]

Cette succession devint définitive, car, en faveur de l'abbaye Saint-Pierre de Solesmes, trois religieux français fondèrent en 1910 une nouvelle revue bimestrielle Revue grégorienne, puis sortirent son premier tome en [h 5]. D'une part, la série Paléographie musicale de Solesmes subit un certain nombre de désabonnements, en raison des pages d'études grégoriennes de Dom André Mocquereau. Il valait mieux séparer les fonctions de publication[8]. D'autre part, en tant que président de la commission, Dom Pothier connaissait un important conflit avec Solesmes depuis la publication du kyriale de l'Édition Vaticane en 1905[h 6],[h 7]. De sorte que fut renforcé le lien entre la Revue du chant grégorien et l'abbaye de Saint-Wandrille.

Étant donné que les deux religieux devaient rester à Rome en faveur de leur mission pour la curie pontificale, il fallait l'existence des collaborateurs à Grenoble. Si la publication pouvait s'y poursuivre, c'était notamment grâce au chanoine Alexandre Grospellier, un des consulteurs de la commission[h 8] ainsi que professeur du chant grégorien du grand séminaire de Grenoble[5]. Aussi quelques articles de celui-ci se trouvent-ils exactement dans la revue, pendant que la commission était maintenue[9]. Même après que cette dernière fut définitivement été désunie, Dom Grospellier continuait à soutenir le président Dom Pothier, en qualité de consulteur[h 4]. Cependant, le chanoine décéda brutalement en 1908 ; Dom David lui succéda alors à la direction de la Revue[2] et ses articles devinrent à partir de 1910 assez nombreux et les principales contributions de la revue, la rédaction ayant été dorénavant confiée à ce moine. Après la publication de l'antiphonaire en 1912[h 3], Dom Pothier, d'un âge déjà avancé, rentra en 1913 en Belgique où son abbaye se trouvait exilée[h 9]. Il continua cependant à participer au projet[2].

Témoignage de l'Édition Vaticane

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Durant cette rédaction de l'Édition Vaticane, la revue obtenait une autre fonction. De fait, en profitant de cette revue, Dom Pothier fit renseigner en détail les travaux de la commission :

« Les 46 neumes de cette pièce y sont successivement passés en revue d'après les manuscrits du scriptorium paléographique. Il y en a 42 pour ce Kyrie, groupés en six classes ou écoles ; plusieurs remontent au Xe et au XIIe siècle. De cette enquête minutieuse, dom Beyssac conclut à une douzaine de menues corrections, appuyées sur les meilleurs et les plus nombreux manuscrits. Il ne peut y avoir de procédé plus scientifique, plus sérieux et plus sûr pour retrouver la leçon authentique. »

— Revue du chant grégorien, 1904, novembre/décembre, p. 75[h 10]

Parfois, la Revue du chant grégorien publiait la traduction complète des lettres officielles concernant ce sujet, adressées à ainsi que par Dom Pothier :

« Révérendissime Père,
Il est venu à la connaissance du Saint-Père que, parmi ceux qui travaillent à préparer l'édition vaticane des livres liturgiques, un doute s'est élevé sur la meilleure manière de répondre aux intentions de Sa Sainteté relativement à la restauration de la musique sacrée. L'Auguste Pontife se plaît à constater que les divergences naissent du désir que l'on a, d'un côté comme de l'autre, de mieux répondre à ses intentions. Toutefois, afin de faire disparaître toutes occasion et tout prétexte de doute et d'incertitude, Sa Sainteté m'a chargé de déclarer à Votre Paternité Révérendissime que, lorsqu'Elle a décidé le retour à l'antique chant grégorien, Elle n'a pas prétendu faire une œuvre exclusivement favorable à l'archéologie de ce chant, à tel point que l'on ne puisse admettre aujourd'hui des leçons mélodiques grégoriennes qui ont pu être reçues dans le cours des siècles. ......... »

— Lettre du cardinal Rafael Merry del Val, datée à Rome du 3 avril 1905, publiée dans la Revue du chant grégorien, 1906, janvier/février, p. 105[h 11]

Suspension et cessation par les deux Guerres mondiales

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À cause de la guerre, l'interruption de la revue dura enfin cinq ans. Toutefois, en 1919, la publication fut rétablie, encore une fois sous la direction de Dom David[9]. Le bureau de la revue restait toujours à Grenoble. Dom David effectua pareillement plusieurs publications concernant la musique liturgique telle la série Analyses grégoriennes pratiques, à partir de ce Bureau Grégorien dans cette ville[10].

À la suite de la Seconde Guerre mondiale, la publication de la Revue du chant grégorien fut de nouveau interrompue en 1940[11]. Il semble que le tome II sorti dans cette année soit la dernière publication[9]. Cette fois-ci, le rétablissement du bureau n'eut pas lieu[11] alors que l'abbaye de Solesmes réussit à rétablir ses publications après la guerre. Dom David, ayant perdu son bureau à Grenoble, continua cependant à sortir plusieurs livres, auprès de son abbaye de Saint-Wandrille jusqu'à son décès[10].

Numérisation

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En dépit de nombreuses citations, il existe actuellement peu de numérisations disponibles, mis à part quelques dossiers payants. Ainsi, la Bibliothèque nationale de France ne dispose aucun exemplaire numérisé. À l'exception de l'empêchement durant la période de la Première Guerre mondiale, la publication solide sans interruption à Grenoble suggère une contribution du grand séminaire de Grenoble, situé à moins un kilomètre du bureau, au regard de la rédaction.

Principaux auteurs

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Liens externes

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  • Liste de revues retrouvées selon l'Académie de chant grégorien (1893 - 1940) [lire en ligne]

Références bibliographiques

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  1. p. 96 ; le Liber gradualis fut publié en 1883, en tant que livre de chant officiel de son ordre, uniquement réservé aux communautés bénédictins en France, afin d'éviter le conflit avec le Saint-Siège. En effet, le privilège octroyé à l'édition de Ratisbonne interdisait de la publication semblable.
  2. p. 129
  3. p. 155
  4. p. 159
  • Pierre Combe, Histoire de la restauration du chant grégorien, d'après des documents inédits, Solesmes et l'Édition Vaticane, Abbaye Saint-Pierre, Solesmes 1969, 488 p.
  1. a b et c p. 180
  2. a et b p. 200
  3. a et b p. 461
  4. a b et c p. 430
  5. p. 446
  6. p. 453 ; d'une part, la majorité de la commission n'était pas d'accord pour le choix de Solesmes, les manuscrits les plus anciens ; d'autre part, Dom André Mocquereau demandait que l'édition adopte officiellement ses signes rythmiques ; en 1911 encore, le Saint-Siège hésitait et résistait à y imprimer ces graphies qui, en fait, avaient été inventées sous influence de la musique classique ; ce serait la raison pour laquelle ces deux revues bimestrielles devinrent désormais rivales.
  7. p. 443 ; toutefois, Dom Lucien David favorisait, en 1909, les éditions rythmiques de Solesmes, après être allé en juin à l'abbaye Notre-Dame de Quarr où étaient en exil les moines de Solesmes, selon la Revue du chant grégorien, juillet-août 1909, p. 191.
  8. a et b p. 299
  9. p. 460 ; Dom Pothier fut reçu une dernière fois en audience par le pape Pie X le 23 décembre 1912, selon un document officiel et la biographie de Dom Pothier[1]
  10. p. 337
  11. p. 364 - 365
  12. p. 460, note n° 251 et p. 461 ; certes, après que Dom Pothier avait été reçu par le pape à la fin de l'année 1912, la commission cessa en principe sa fonction. Pourtant, celle-ci ne fut pas formellement supprimée jusqu'au motu proprio daté du 16 janvier 1914.
  1. p. 25 ; il s'agissait du Graduel romain (édition Rémo-Cambraisienne).
  2. p. 25
  3. p. 24 ; il s'agissait d'un chant monodique, mais construit sur les deux modes majeur et mineur, donc qui était très différent du chant grégorien.
  • Revue du chant grégorien, tome ?, 1896 Grenoble[16]
  1. p. 129
  2. p. 130

Notes et références

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  1. a b c et d Damien Colas, Florence Gétreau et Malou Haine, Musique, esthétique et société au XIXe siècle : liber amicorum Joël-Marie Fauquet, Wavre, Mardaga, , 336 p. (ISBN 978-2-87009-949-0, lire en ligne), p. 133.
    Adélaïde de Place, Quelques figures de la presse musicale au XIXe siècle, publiée dans les Musique, esthétique et société au XIXe siècle, p. 133
  2. a b et c Dom Lucien David, Dom Joseph Pothier et la Restauration du Chant grégorien, Rouen, Saint-Wandrille, , "L'œuvre la plus importante de Dom Pothier sera sans contredit sa collaboration régulière à la Revue du chant grégorien lancée à Grenoble avec son concours et dont il me permit de prendre la direction en 1908 à la mort du savant chanoine Grospellier. Presque jusqu'à la fin, il y écrira des articles extrement variés, enrichis de pièces grégoriennes anciennes ou nouvelles et dont la collection constitue le commentaire le plus riche et le plus exact de ses mélodies grégoriennes"
  3. (de) Ambros Odermatt, Ein Rituale in Beneventanischer Schrift, , 384 p. (lire en ligne), p. 13.
  4. D'après le Journal de Vienne et l'Isère, n° 38, le dimanche 19 septembre 1880 : « M. le chanoine Duport, professeur au grand séminaire et ancien chantre de la cathédrale de Grenoble, officiera à la grand'messe et aux vêpres. »
  5. a et b Académie deophinale, Bulletin, Grenoble 1922, p. 12 : « Grospellier fut un des collaborateurs assidus de la Revue du Chant Grégorien, fondée à Grenoble en 1891, par le Chanoine Duport, professeur au Grand séminaire. »
  6. X.M.L., « Dom Joseph Pothier, abbé bénédictin de Saint-Wandrille, Restaurateur du Chant grégorien », France,‎ 1999 - 2009
  7. Lors de la nomination de Dom Pothier, ce jeune moine séjournait à Rome, pour ses études, auprès de l'Athénée pontifical Saint-Anselme. (http://xavier.mail.online.fr/BiographieDomPothier.htm)
  8. (en)https://archive.org/stream/palographiemus1889gaja#page/n19/mode/2up
  9. a b et c « Publication : Revue de Chant grégorien », sur gregorien.info (consulté le ).
  10. a b et c http://www.idref.fr/143852302
  11. a et b Les Sources Du Travail Bibliographique, , 500 p. (ISBN 978-2-600-04748-7, lire en ligne), p. 550.
    notification en 1952
  12. http://beauchesne.immanens.com/appli/article.php?id=12903
  13. « Antonin Lhoumeau (18..-1920) - Auteur - Ressources de la Bibliothèque nationale de France », sur data.bnf.fr (consulté le ).
  14. Il est probable que Dom Grospellier était le successeur du chanoine Duport, ancien chantre de la cathédrale de Grenoble.
  15. « Accueil - Abbaye Saint-Wandrille, communauté des moines bénédictins », sur Abbaye Saint-Wandrille (consulté le ).
  16. Revue du chant grégorien, , 394 p. (lire en ligne).