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Lien social (sociologie)

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Anneaux Borroméens. Image d'un manuscrit du XIIIe siècle.

La notion de lien social signifie en sociologie française l'ensemble des appartenances, des affiliations, des relations qui unissent les gens ou les groupes sociaux entre eux. Le lien social représente la force qui lie entre eux les membres d'une communauté sociale, d'une association, d'un milieu social.

Étudiée dans la philosophie politique classique, Du contrat social de Rousseau par exemple, et dans la première sociologie (Weber, Durkheim ou Tönnies), la notion de lien social a été puissamment réinvestie à partir des années 1980, par la sociologie et sur la scène médiatique, en effaçant les thèmes prégnants des années 1970 tels que la domination ou la conflictualité. Un discours émerge alors qui pose comme impératif de lutter contre la « crise » de ce lien, de favoriser la « réinsertion » de populations « exclues » ou mal « intégrées »[1].

La difficulté d'utilisation de la notion vient d'abord de son sens à la fois descriptif (les variétés observables de cette force de liaison) et normatif (une unité qu'il faudrait préserver). Elle vient ensuite de ce que, employée au singulier, elle tend à identifier la qualité des rapports sociaux des individus et des groupes dans leur participation à une unité supérieure (la nation, le peuple), écartant ainsi a priori la richesse des relations qui s'établissent dans les marges, contre les manifestations de cette unité, qu'elles soient institutionnelles ou culturelles.

Relation anthropologique

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Philippe Descola distingue six « modes de relation », « formes de l'attachement », « relations dont tout semble indiquer qu'elles jouent un rôle prépondérant dans les rapports que les humains nouent entre eux et avec leur environnement non-humain » : « l'échange, la prédation, le don, la production, la protection et la transmission. Ces modes de relation peuvent être répartis en deux groupes, le premier caractérisant des relations potentiellement réversibles envers des termes qui se ressemblent, le second des relations univoques fondées sur la connexité entre des termes non équivalents. L'échange, la prédation et le don relèvent du premier groupe, la production, la protection et la transmission du second »[2].

Force et fragilité du lien social

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Si, du point de vue englobant de la société entière, on considère comme un bien la cohésion de ses divers éléments, alors le lien social peut devenir objet de préoccupations politique ou moral[3].

Certains facteurs tels que les inégalités sociales ou encore la vie au sein d'un régime totalitaire entraîneraient la dégradation de la qualité et de l'intensité du lien social[réf. nécessaire]. Plusieurs changements contemporains peuvent aussi être l'expression ou la conséquence d'un affaiblissement de la densité du lien social, comme l'accroissement des divorces, l'individualisation croissante, les émeutes et la délinquance[réf. nécessaire]. Une analyse d'ensemble a été consacrée à l'érosion du lien social dans les pays économiquement avancés par The International Scope Review[réf. nécessaire].

Le lien social est menacé par une certaine conception d'Internet, qui tend à dispenser les hommes de toute communication directe. Le lien social ne serait plus fondé que sur la séparation des corps et la collectivisation des consciences. Philippe Breton y voit l'influence de l'héritage de Teilhard de Chardin[4].

« L’homme et la femme du monde post-moderne courent le risque permanent de devenir profondément individualistes, et beaucoup de problèmes sociaux sont liés à la vision égoïste actuelle axée sur l’immédiateté, aux crises des liens familiaux et sociaux, aux difficultés de la reconnaissance de l’autre » dixit le Pape François[5].

Une « crise du lien social » se manifeste par une diminution de la cohésion sociale, la fragmentation des relations humaines, la désolidarisation d'une société[6] et un accroissement marqué de la solitude.

Face à cette problématique, différentes réponses et initiatives ont émergé pour tenter de restaurer, renforcer et reconstruire ce lien. Les politiques de cohésions sociales, la participation citoyenne, le développement des réseaux sociaux et communautaires, l'éducation populaire et le bénévolat associatif sont autant de leviers pour rétablir des liens sociaux solides et durables[7].

Indicateurs

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Certains indicateurs statistiques peuvent être utilisés pour comprendre l'évolution des liens :

  • familiaux : formation et dissolution des couples, taille de la famille, situations géographiques, etc.
  • associatifs : créations/disparitions, nombre d'adhérents ;
  • religieux : pratiques religieuses anciennes et nouvelles ;
  • professionnels : nombre d'emplois précaires et de personnes au chômage ;
  • délictueux : évolution de la délinquance et de la criminalité, etc.

Bibliographie de la crise du lien social

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Approches contextuelles

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  • Philippe Breton, Le culte de l'Internet, une menace pour le lien social ?, Presses universitaires François-Rabelais, 2000[8]
  • Joëlle Bordet, Les « jeunes de la cité », PUF, 1998[9]

Sur les autres projets Wikimedia :

Approches conceptuelles

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  • Tahar Bouhouia, Description et modélisation d'une démarche favorisant une politique par l'émancipation sociale, Cedrea.net, [10]
  • Francis Farrugia,
    • La crise du lien social : essai de sociologie critique, L'Harmattan, 1993[11],[12]
    • Archéologie du pacte social : des fondements éthiques et sociopolitiques de la société moderne, L'Harmattan, 1994[13]
    • La construction de l'homme social. Essai sur la démocratie disciplinaire, Syllepse, 2005[14]
  • Pierre Bouvier, Le lien social, Gallimard, 2005
  • Pierre-Yves Cusset, Individualisme et lien social, La documentation française, no 911,
  • Serge Paugam, Le lien social, PUF, Que sais-je ?, no 3780, 2008
  • Marcel Robin, Connaître et dynamiser sa commune : Étudier la vie locale - Créer du lien social, Chronique Sociale, 2001
  • Véronique Laveau, Daniel Mercure (dir.), La conception du lien social chez les communautaires, les libertariens et les libéraux. Analyse du discours de Charles Taylor, Robert Nozick et John Rawls sur les thèmes de communauté, de justice et d'État, février 2004[15].

Notes et références

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  1. Philippe Corcuff, « De la thématique du « lien social » à l'expérience de la compassion. Variété des liaisons et des déliaisons sociales », Pensée plurielle, vol. 9, no 1,‎ , p. 119–129 (ISSN 1376-0963, DOI 10.3917/pp.009.0119, lire en ligne, consulté le )
  2. Par-delà nature et culture, Gallimard, (ISBN 978-2-07-046587-3, DOI 10.3917/gall.desco.2015.01, lire en ligne)
  3. Marianne Abramovici, Sonia Adam-Ledunois, Emilie Canet et Sébastien Damart, « Projet "Lien social, Habitat, Situations de fragilité dans la ville innovante de 2030", LISOHASIF Projet co-financé par l'Agence Nationale de la Recherche (n° ANR-12-SOIN-006-001) », HAL SHS, DRM M-LAB Université Paris Dauphine, IMRI Fondation Dauphine, IRG Université Paris-Est, Nimec Université de Rouen, AG2R La Mondiale,‎ (lire en ligne, consulté le )
  4. Philippe Breton, Le culte d'internet, une menace pour le lien social ?, La Découverte, 2000
  5. « Laudato si' (24 mai 2015) | François », sur www.vatican.va (consulté le ), §162.
  6. Pierre Rosanvalon, « La crise du lien social », sur AssoConnect, (consulté le )
  7. Laurent Mucchielli, « Le lien social en crise ? », sur www.scienceshumaines.com (consulté le )
  8. Philippe Breton, « Le Culte de l'internet une menace pour le lien social ? », dans Liberté / Libertés : Liberty / Liberties, Presses universitaires François-Rabelais, coll. « GRAAT », , 281–283 p. (ISBN 978-2-86906-470-6, DOI 10.4000/books.pufr.4284, lire en ligne)
  9. Joëlle Bordet, Les « jeunes de la cité », Presses Universitaires de France, (ISBN 978-2-13-049271-9, DOI 10.3917/puf.borde.1998.01, lire en ligne)
  10. Tahar Bouhouia, « Description et modélisation d'une démarche favorisant une politique d'intégration par l'émancipation sociale », sur Centre d'études sur les dynamiques sociales et la recherche-action, (consulté le )
  11. Francis Farrugia, La crise du lien social. Essai de sociologie critique, L'harmattan, collection logiques sociales, Paris, (lire en ligne)
  12. Louis Moreau de Bellaing, « Francis Farrugia, La crise du lien social, essai de sociologie critique, Paris, L'Harmattan, 1996, collection « Logiques sociales » », L'Homme et la société, vol. 130, no 4,‎ , p. 131–132 (lire en ligne, consulté le )
  13. Francis Farrugia, Archéologie du pacte social. Des fondements éthiques et sociopolitiques de la société moderne, L'harmattan, collection Logiques sociales, Paris, 1994, (lire en ligne)
  14. Farrugia Francis, La construction de l'homme social : essai sur la démocratie disciplinaire, Syllepse, coll. « Collection Explorations-découvertes en terres humaines », (ISBN 978-2-84950-061-3, lire en ligne)
  15. Véronique Laveau, « La conception du lien social chez les communautaires, les libertariens et les libéraux. Analyse du discours de Charles Taylor, Robert Nozick et John Rawls sur les thèmes de communauté, de justice et d'État », Bibliothèque et Archives de Canada,‎ (lire en ligne)

Articles connexes

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Personnalités

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