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Logique combinatoire

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En logique mathématique, la logique combinatoire est une théorie logique[1] introduite par Moses Schönfinkel[2] en 1920 lors d'une conférence[Laquelle ?] et développée dès 1929 par Haskell Brooks Curry[3] pour supprimer le besoin de variables en mathématiques, pour formaliser rigoureusement la notion de fonction et pour minimiser le nombre d'opérateurs nécessaires pour définir le calcul des prédicats à la suite de Henry M. Sheffer. Plus récemment, elle a été utilisée en informatique comme modèle théorique de calcul et comme base pour la conception de langages de programmation fonctionnels.

Le concept de base de la logique combinatoire est celui de combinateur qui est une fonction d'ordre supérieur ; elle utilise uniquement l'application de fonctions et éventuellement d'autres combinateurs pour définir de nouvelles fonctions d'ordre supérieur. Chaque combinateur simplement typable est une démonstration à la Hilbert en logique intuitionniste et vice-versa [4]. On appelle ceci la correspondance de Curry-Howard

Introduction

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La logique combinatoire est fondée sur deux « opérations » de base (on dit aussi deux « combinateurs ») S et K que nous définirons plus loin ; plus précisément nous en définirons le comportement ou l'« intention », car la logique combinatoire est une approche de la logique qui montre plutôt comment marchent les choses que comment les objets peuvent être décrits, on dit alors que c'est une approche intentionnelle de la logique. Si l'on veut définir la fonction[5] que nous appellerons C et qui prend trois paramètres et rend comme résultat le premier appliqué au troisième, le tout étant appliqué au second, on pourra l'écrire :

C ≡ S ((S (K S) K) (S (K S) K) S) (K K)

qui, comme on le voit, ne comporte pas de variable. On pourra regretter que l'avantage de ne pas utiliser de variables se paie par la longueur des expressions et une certaine illisibilité. Aujourd'hui la logique combinatoire est surtout utilisée par les logiciens pour répondre positivement à la question « Est-il possible de se passer de variables ? » et par les informaticiens pour compiler les langages fonctionnels[6].

La logique combinatoire est un système de réécriture du premier ordre. C'est-à-dire qu'à la différence du lambda-calcul, il ne comporte pas de variables liées, ce qui permet une théorie beaucoup plus simple. Il n'a que trois opérateurs : un opérateur binaire et deux constantes.

Le parenthésage
Pour alléger l'écriture, la logique combinatoire supprime certaines parenthèses et adopte par convention l'associativité à gauche. En d'autres termes, (a b c d ... z) est un raccourci d'écriture pour (...(((a b) c) d) ... z)[7].

Les combinateurs de base

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Le combinateur identité, noté I, est défini par[8]

I x = x.

Un autre combinateur, noté K, fabrique des fonctions constantes : (K x) est la fonction qui, pour tout paramètre, retourne x, autrement dit

(K x) y = x

pour tous termes x et y. Comme en lambda-calcul, on associe les applications de gauche à droite, ce qui permet de supprimer des parenthèses, ainsi on écrit

K x y = x.

Un autre combinateur, noté S, distribue le paramètre (ici z) aux applications composantes :

S x y z = x z (y z)

S applique le résultat de l'application de x à z au résultat de l'application de y à z.

I peut être construit à partir de S et K, en effet :

(S K K) x = S K K x
= K x (K x)
= x.

On décrète donc que I est un combinateur dérivé et que I = S K K et on décide de décrire tous les combinateurs à l'aide de S et K, ce qui est raisonnable car on peut montrer que cela suffit pour décrire « toutes » les fonctions d'une certaine forme[9],[10].

La réduction

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En fait, les transformations fonctionnent comme des réductions et pour cela on les note →. On obtient donc les deux règles de réduction de base de la logique combinatoire.

K x y → x,
S x y z → x z (y z).

Quelques combinateurs dérivés

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  • BS (K S) K. Le combinateur B correspond à l'opérateur de composition des fonctions habituellement noté «  ». Son nom est dérivé du syllogisme Barbara. On a donc
B x y z ≡ S (K S) K x y z
K S x (K x) y z
S (K x) y z
K x z (y z)
→ x (y z).
  • CS (B B S) (K K) est un combinateur qui intervertit ses paramètres.
C x y z ≡ S (B B S) (K K) x y z
B B S x (K K x) y z
B (S x) (K K x) y z
S x (K K x y) z
→ x z (K K x y z)
→ x z (K y z)
→ x z y
  • WS I I. Le combinateur W permet de construire un autre combinateur à savoir W W, qui a la propriété de se réduire à lui-même. On a ainsi
W WS I I (S I I)
I (S I I) (I (S I I))
S I I (I (S I I))
S I I (S I I) ≡ W W

Le système de type

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On peut associer un type à chacun des combinateurs. Le type d'un combinateur dit comment il prend en compte le type de ses paramètres pour produire un objet d'un certain type. Ainsi le combinateur I change son paramètre en lui-même ; si on attribue le type α à ce paramètre x, alors on peut dire que Ix a le type α et que I a le type α → α. Ici la flèche → désigne le constructeur de type fonctionnel, en gros α → α est le type de la classe des fonctions de α vers α, → a construit un nouveau type α → α à partir du type α.

K prend un paramètre, disons de type α et rend une fonction d'un paramètre de type β qui rend le premier paramètre, le type de cette dernière fonction est donc β → α et le type de K est ainsi α → (β → α), que l'on écrit α → β → α. S prend trois paramètres x, y et z ; donnons le type α au troisième paramètre z et le type γ au résultat final, le deuxième paramètre y prend un paramètre de type α et rend un paramètre de type disons β (son type est donc α → β), le premier paramètre x prend un paramètre de type α et rend une fonction de type β → γ, son type est donc α → (β → γ), que l'on écrit α → β → γ. Résumons-nous, on a z:α , y: β → α et x: α → β → γ et S x y z: γ, on en conclut que S a le type (α → β → γ) → (α → β) → α → γ.

Le résultat M N qui consiste à appliquer M à N est typable si M a un type fonctionnel, disons α → β et si N a pour type α. M N a alors pour type β.

Le type de B est (α → β) → (γ → α) → γ → β. On le voit soit en remarquant que B x y z →* x (y z), soit en appliquant la règle de composition à S (K S) K.

Le type de C est (α → β → γ) → β → α → γ, pour les mêmes raisons que celles invoquées pour B.

W en revanche n'est pas typable. On peut voir cela en se rappelant que S : (α → β → γ) → (α → β) → α → γ et I : (α → α). Si on applique S à I on doit avoir α = β → γ, puis si on applique S I à I on doit avoir α = β, donc β = β → γ. Cette équation n'a pas de solution. Donc S I I = W n'est pas typable.

En résumé:

K : α → β → α
S : (α → β → γ) → (α → β) → α → γ
I : α → α
B : (α → β) → (γ → α) → γ → β
C : (α → β → γ) → β → α → γ

Forte normalisation

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Si M est un combinateur typé, alors toute chaine de réduction qui commence en M est finie. On appelle cette propriété la forte normalisation.

On constate que le modus ponens

ressemble à la règle de conservation des types quand on applique un combinateur de type α → β à un combinateur de type α. Examinons aussi les deux premiers axiomes de la présentation à la Hilbert de la logique propositionnelle à savoir:

K : PQP
S : (PQR) → (PQ) → PR.

Rappelons qu'ils permettent de formaliser le calcul propositionnel intuitionniste. On remarque que le premier axiome est identique au type de K et que le deuxième axiome est identique au type de S si l'on remplace la proposition P par α, la proposition Q par β et la proposition R par γ. Cette correspondance entre proposition et type et entre combinateur et démonstration s'appelle la correspondance de Curry-Howard. Elle met en parallèle le système de déduction à la Hilbert pour la logique propositionnelle intuitionniste et la logique combinatoire qui ont été, notons-le, découverts indépendamment.

La formule

B : (α → β) → (γ → α) → γ → β

signifie (dans le langage de Coq, par exemple) que B est une preuve de la formule propositionnelle (α → β) → (γ → α) → γ → β.

B ≡ S (K S) K

fournit alors une preuve effective de la formule dans la théorie de Hilbert qui n'emploie que le modus ponens et les axiomes K et S.

Cela demande un petit travail de réécriture: Tout d'abord, on rétablit les parenthèses

B ≡ (S (K S)) K

ensuite, on introduit l'opérateur

B ≡ (S ⇒ (K ⇒ S)) ⇒ K

enfin, on emploie la notation postfixée :

B ≡ K S K ⇒ S ⇒ ⇒

Alors cette formule donne les étapes de la démonstration dans le sens de la déduction[11]. ⇒ dénote le recours au modus ponens ; K et S, l'utilisation des axiomes K et S. Plus, précisément Q ≡ I P ⇒ signifie que si I est la démonstration de PQ, et P la démonstration de P, alors I P ⇒ est bien celle de Q. Malheureusement cette formule ne fournit pas les opérations de substitutions qui doivent être utilisées dans l'introduction des axiomes.

La notation préfixée,

B ≡ ⇒ ⇒ S ⇒ K S K

représente le sens de la démonstration dans le langage de Coq[12]. Ici, les informations manquantes sont les formules des P employés dans les modus ponens.

Correspondance avec le λ-calcul

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Toute expression de la logique combinatoire admet une expression du λ-calcul équivalente, et toute expression du λ-calcul admet une expression de la logique combinatoire équivalente.

De la logique combinatoire vers le λ-calcul

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Notons la traduction des combinateurs vers le λ-calcul, elle est définie par :

  • si désigne une variable,  ;
  •  ;
  •  ;
  • , pour tous combinateurs et .

Cette traduction est compatible avec la -équivalence, c'est-à-dire que si , alors .

Abstraction en logique combinatoire

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Avant de définir la représentation du λ-calcul en logique combinatoire nous avons besoin de définir une abstraction dans la logique combinatoire [13]. Si est un terme, on définit qui va jouer le rôle de .

Du λ-calcul à la logique combinatoire

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On définit l'interprétation des termes du λ-calcul en termes de la logique combinatoire:

Cette interprétation n'est pas compatible avec la -équivalence : il existe des lambda-termes et tels que et , par exemple et  :

Mais , et .

Le combinateur de point fixe de Turing, noté a pour expression en λ-calcul . On peut alors calculer :

puis

On définit alors deux combinateurs A et Θ

A:=S (K (S I)) (S I I)

Θ: =A A

Θ est un combinateur de point fixe.

On observe que, qu'il s'agisse du λ-terme ou de sa traduction en tant que combinateur, on a .

Problèmes indécidables en logique combinatoire

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Une forme normale est un combinateur dans lequel aucune règle de réduction n'est applicable. Déterminer si un combinateur peut se réduire en combinateur en forme normale est indécidable. De même, déterminer si deux combinateurs distincts sont égaux est indécidable[14]. Ces deux résultats sont à rapprocher de l'indécidabilité de l'équivalence de deux termes dans le lamda-calcul, ou de l'indécidabilité de l'existence d'une forme normale pour un terme donné[15].

Références

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  1. Katalin Bimbó, The Stanford Encyclopedia of Philosophy, Metaphysics Research Lab, Stanford University, (lire en ligne)
  2. Moses Schönfinkel "Über die Bausteine der mathematischen Logik", Mathematische Annalen 92, p. 305-316. Traduit en français par Geneviève Vandevelde : Moses Schönfinkel, « Sur les éléments de construction de la logique mathématique », Mathématiques et sciences humaines, vol. 112,‎ , p. 5-26 (lire en ligne) et traduit en anglais dans Moses Schönfinkel (trad. Stefan Bauer-Mengelberg), « On the building blocks of mathematical logic », dans Jean van Heijenoort, A Source Book in Mathematical Logic, 1879-1931, Harvard Univ. Press, (lire en ligne), p. 355-66.
  3. H. B. Curry, « Grundlagen der Kombinatorischen Logik », American Journal of Mathematics, vol. 52, no 3,‎ , p. 509–536 (DOI 10.2307/2370619, lire en ligne, consulté le )
  4. H. Curry, J. R. Hindley et J. P. Seldin, Combinatory Logic II. North-Holland, 1972.
  5. Plus précisément le combinateur.
  6. Quoique les informaticiens utilisent une logique fondée sur des super-combinateurs moins bavarde que la logique combinatoire fondée sur S et K.
  7. Cette convention est plutôt malheureuse car on adopte l'associativité à droite pour l'écriture du type du combinateur.
  8. x qui apparaît ici n'est pas une variable du langage de la logique combinatoire, car comme on l'a dit la logique variable se passe de variables ; en fait, x est une « méta-variable » qui permet de présenter les identités de la logique combinatoire.
  9. Théorème de complétude de Harvey Friedman.
  10. Henk Barendregt 1984, p. 90
  11. C'est-à-dire, que l'on va des hypothèses (ici des axiomes) au but à atteindre.
  12. C'est-à-dire, l'ordre des tactiques (« tactic » en anglais) employées. Coq procède par modification du but jusqu'à l'identifier aux hypothèses, aux théorèmes, ou aux axiomes.
  13. J. Roger Hindley et Jonathan P. Seldin, Lambda-Calculu and Combinators an Introduction, Cambrdige University Press, (lire en ligne) Section 2C p. 26.
  14. Henk Barendregt 1984, p. 164
  15. Henk Barendregt 1984, p. 144-146

Bibliographie

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Liens externes

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