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Philibert de Jumièges

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Philibert de Jumièges
Image illustrative de l’article Philibert de Jumièges
Statue de Philibert visible dans l'abbatiale de Saint-Philbert-de-Grand-Lieu.
Saint, abbé, fondateur
Naissance v. 616
Elusa, aujourd'hui Eauze, Aquitania novempopulana
Décès 684 
Île d'Hermoutier, aujourd'hui Noirmoutier-en-l'Île, royaume des Francs
Nationalité Française
Ordre religieux règle de saint Philibert (basée sur la règle de saint Colomban)[1]
Vénéré à Abbaye Saint-Philibert de Tournus
Vénéré par l'Église catholique romaine
Fête 20 août

Saint Philibert (ou Filibert ou Philbert) de Jumièges, né vers 616[2] à Elusa, aujourd'hui Eauze dans le Gers et mort le [3] à Noirmoutier, est un moine et un abbé franc du VIIe siècle. Il a fondé principalement les monastères de Jumièges et de Noirmoutier. .Ses reliques sont translatées au IXe siècle à Tournus où il devient l'objet d'une grande vénération.

Sa fête est célébrée le [4].

Philibert est un aristocrate mérovingien, fils unique de Filibaud, premier magistrat de Vicus Julii[5], aujourd'hui Aire-sur-l'Adour dans le département des Landes, qui en devient l'évêque après la mort de sa femme. Philibert vient au monde dans l'ancienne ville d'Eauze, en Vasconie, vers l'an 616 et est élevé à Vic-Fezensac par ses parents. Plus tard, d'excellents maîtres l'instruisent aux sciences et le forment à toutes les disciplines nécessaires. Il acquiert ainsi les connaissances utiles pour la formation de ses qualités d'homme, pour le développement de son esprit et de ses valeurs spirituelles. Dès que Philibert est assez mûr pour faire son entrée dans le monde, son père, en grande recommandation auprès du roi Dagobert Ier, lui ménage une place à la cour, où il fait la connaissance de saint Ouen et gagne son estime.

Abbaye de Rebais

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Insatisfait par la vie futile qu'il mène à la cour, il forme, à l'âge de vingt ans, le dessein de consacrer sa vie à Dieu en devenant moine. Après l'approbation du roi, dont le consentement est nécessaire, il vend tous ses biens et en distribue le prix aux pauvres et aux monastères. Il choisit de s'installer au monastère de Rebais, nouvellement fondé dans le diocèse de Meaux dans la Brie, moins à cause des grands biens qu'il y a donnés, mais parce qu'il connait son abbé saint Agile et que son ami saint Ouen en est le fondateur. Quatorze ans après son arrivée, à la mort d’Agile en 650, il est choisi comme abbé, vers l’âge de 35 ans. Des désaccords internes surviennent quant à la pratique plus ou moins rigoureuse de la règle de saint Colomban.

Abbaye de Jumièges

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Il décide alors d'entreprendre un long voyage d'étude l'amenant dans différents monastères en France, en Suisse et dans le nord de l'Italie, notamment à Bobbio, où saint Colomban finit sa vie. Il compare les règles de saint Basile, saint Macaire, saint Benoît et saint Colomban. Il souhaite mettre en œuvre sa propre conception de l'idéal monastique, soutenu par la reine Bathilde. Elle obtient du roi Clovis II de lui attribuer des terres fertiles près de Rouen. L'abbaye de Jumièges est fondée en 654, il en est le premier abbé. Majoritairement influencé par la règle de saint Colomban déjà en vigueur à Luxeuil[6], il impose une discipline plutôt austère : jeûnes, veilles, peut-être même flagellations[note 1]. La légende, rapportée à partir du XIIe – XIIIe siècle, voudrait qu'il ait recueilli les énervés de Jumièges dans l'abbaye qu'il venait à peine de fonder[note 2]. Avec plusieurs centaines de moines, il y pratique l'accueil des pauvres, des pèlerins et l'affranchissement des captifs de la Bretagne insulaire, sort que la jeune reine Bathilde a partagé. Lieu spirituel d'importance, Jumièges devient un site réputé, plusieurs notables et abbés viennent consulter Philibert dont la réputation s'accompagne de miracles. Vers 660, il fonde également un monastère de moniales, l'abbaye de Pavilly, à une vingtaine de kilomètres de Jumièges. À la fin de sa vie, quand après son exil il revient à Jumièges, il est à l'origine d'une autre fondation féminine vers 683, selon la règle bénédictine, celle du monastère de Montivilliers près du Havre[7].

Abbaye de Noirmoutier

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Chapelle Saint-Philibert et Saint-Roch de Moëlan-sur-Mer : statue de saint Philibert.

Reconnu pour sa sainteté et apparenté à de grands aristocrates francs, Philibert n'hésite pas à s'opposer à Ébroïn, le maire du palais de Neustrie et à lui reprocher le sort qu'il a réservé à l'évêque d'Autun, saint Léger torturé puis assassiné trois ans plus tard en 679 sur son ordre[8],[note 3]. En riposte, Ebroïn réussit à influencer saint Ouen, qui le met en prison quelques semaines avant de comprendre la malveillance dont il est l'objet mais il maintient toutefois l'interdiction de revenir à Jumièges. Philibert, vers 675, s'expatrie avec quelques moines et rejoint l'Austrasie gouvernée par un autre maire du palais et trouve refuge auprès de l'évêque de Poitiers Ansoald apparenté à Léger. Il se voit confier le monastère de Quincay, fondé récemment par Achard (ou Aicadre), y plaçe des moines et y instaure la règle philibertine. Vers 676, Philibert décide de fonder un nouveau monastère sur l'île d'Her (Noirmoutier) avec l'accord de l'évêque Ansoald, qui le dote de plusieurs terres dont sa villa, située à Déas, qui deviendra l'abbaye de Saint-Philbert-de-Grand-Lieu. Sur l'île, en plus de l'évangélisation, les moines effectuent d'importants travaux : aménagement agricole, irrigation, voies de communication, exploitation du sel et construction des bâtiments monastiques. L'abbaye de Noirmoutier étend son influence par différentes fondations de Philibert, monastère de Beauvoir-sur-Mer sur le site de sa villa d'Ampan dont le port fait face à l'île [note 4], toujours avec l'évêque de Poitiers, développement d'un prieuré qui deviendra l'abbaye royale de Saint-Michel-en-l'Herm, en partie à l'origine du Marais poitevin et, encore sur le littoral au milieu des marais valorisés par l'exploitation du sel, l'abbaye de Luçon[9].

La chute d'Ébroïn permet à Philibert de revenir à Jumièges et Ouen de Rouen lui rend son rôle d'abbé. Devant choisir entre Jumièges et Noirmoutier, en concertation avec Ouen avec lequel il a renoué et Ansoald, il fait nommer Achard, abbé de Quinçay à la tête de l'abbaye de Jumièges et retourne à Noirmoutier. Il y meurt le , à près de 70 ans. Son corps est déposé dans un sarcophage au centre de la crypte de l'abbaye Saint-Philibert de Noirmoutier permettant sa vénération. Son sarcophage est transporté solennellement en 836 à Déas sous la conduite d'Hibold dans l'abbaye de Saint-Philbert-de-Grand-Lieu pour fuir les attaques normandes. La crypte de l'Église Saint-Philbert de Noirmoutier-en-l'Île est le vestige de l'ancienne abbaye devenue église paroissiale; si ses reliques sont translatées jusqu'à l'abbaye Saint-Philibert de Tournus, son tombeau rétabli par la restauration du XIXe siècle se visite dans la crypte romane. Le sarcophage de saint Philibert est encore conservé et visible dans l'abbaye de Saint-Philbert-de-Grand-Lieu[10].

Mémoire et Reliques

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De Noirmoutier à Tournus, fuyant les incursions normandes, les reliques de saint Philibert accomplissent un grand périple relaté par Ermentaire de Noirmoutier, passant notamment par Cunault et Messais[note 5]. Cette translation, qui dure près de quarante ans, assurée par les moines de Noirmoutier sous la conduite de Gilon de Tournus, successeur d'Hibold, donne lieu à plusieurs fondations et à de nombreuses dotations carolingiennes à l'origine d'un grand réseau monastique, elle contribue à sa grande popularité[11].

Les reliques du saint sont, de nos jours, conservées dans le chœur de l'abbatiale Saint-Philibert de Tournus, à l'intérieur d'un reliquaire, œuvre de l'artiste Goudji. Elles sont malheureusement profanées le , le crâne du saint et deux de ses os ayant été volés[12].

Des villages portent son nom dans la vallée du Rhône, en Anjou, en Poitou, en Normandie et en Bretagne.

Bibliographie

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  • Falcon (moine de Tournus), Chronique de Tournus (avant 1087)
    En latin : Cronicon Trenorchiense, manuscrit écrit à la demande de l'abbé Pierre dont un exemplaire est conservé dans le fonds ancien de la bibliothèque municipale de Tournus. Document traduit pour la première fois en français à l'occasion du millénaire de la consécration du chœur de l'abbatiale Saint-Philibert de Tournus (2019), à l'initiative du Centre international d'études romanes (CIER)[13], avec le soutien de la Société des amis des arts et des sciences de Tournus et de la vile de Tournus (traduction confiée en 2016 à François Bougard et Dominique Poirel, respectivement directeur et directeur de recherche à l'Institut de recherche et d'histoire des textes (IRHT).
    Source : bulletin de la Société des amis des arts et des sciences de Tournus, tome CXVII, Tournus, 2018 (ISSN 0153-9353).
  • Henri Curé, Saint-Philibert de Tournus, A. Picard, 1905.
  • Adolphe Louis Albert Perraud,Saint Philibert, fondateur des abbayes de Jumièges et de Noirmoutier 616-684, Téqui, 1901.
  • Henri Curé, Saint Philibert le thaumaturge, Marseille, Publiroc, , 279 p.
  • abbé L. Jaud, Saint Filibert, fondateur et abbé de Jumièges et de Noirmoutier : sa vie, son temps, sa survivance, son culte, étude d'histoire monastique au septième siècle, Nantes, université, , 568 p.
  • abbé L. Jaud, « Panégyrique de Saint Filibert (sic) Vie glorieuse de Saint Filibert ou Histoire de son culte, prêché le 25 aout 1907 » dans Écho de Saint Filibert, 9e année, no 128, septembre 1907, Imp. L.P. Gouraud, , 568 p.
  • abbé Michaud, Vie de saint Filibert : fondateur des monastères de Jumiège et de Noirmoutier, Paimbœuf, impr. de Ch. Gailmard, , 196 p.
  • J. Raimond, Saint-Filbert de Noirmoutier, Saint-Maixent-l'École, imp. R. Payet, , 16 p.
  • L. Levillain, R. Poupardin, E. Clouzot, À propos des monuments de l'histoire des abbayes de Saint-Philibert, Paris, H. Champion, ca. 1906.
  • docteur J. Gaston ; éd. abbé L. Jaud, Poème de saint Filibert : fondateur et abbé de Jumièges et de Noirmoutier, Luçon, imp. S. Pacteau, , 95 p.
  • Ermentaire. ; Éd. abbé Louis Delhommeau, Claude Bouhier ; Préf. Jacques Oudin ; liminaire de monseigneur François Garnier, Vie et miracles de Saint-Philbert, Noirmoutier-en-l'Île, Les Amis de l'Île de Noirmoutier, , 144 p.
  • À propos du XIe centenaire de la translation des restes de Saint-Philbert de Noirmoutier à Déas ; ampennum et les origines de Beauvoir-sur-Mer ; extrait de la Revue du Bas Poitou, Imp. moderne, , 43 p.
  • Maître Léon, Saint Filibert, sa vie, ses monastères, ses reliques et son église de Grandlieu, Imp. moderne, , 53 p.
  • Isabelle Cartron, Les pérégrinations de saint Philibert : Genèse d’un réseau monastique dans la société carolingienne, Rennes, Presses universitaires de Rennes, , 456 p. (ISBN 978-2753509559, BNF 42121210, lire en ligne).

Articles connexes

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Liens externes

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Notes et références

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  1. Au IXe siècle, les moines changent de règle en adoptant celle de saint Benoît comme la très grande majorité des monastères de l'empire carolingien
  2. Cette légende justifie à postériori les importantes dotations reçues des souverains mérovingiens
  3. La mort en martyr de saint Léger, même si elle est principalement liée à des conflits politiques de l'aristocratie franque conduit à sa canonisation dès 681
  4. L'église de Beauvoir-sur-Mer serait construite sur le site de ce monastère d'après le site de la mairie [1]
  5. la halte des reliques à Saint-Pourçain-sur-Sioule au cours de cette pérégrination est mise en doute

Références

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  1. Règle de saint Philibert à partir de celle de saint Colomban
  2. Le nom de Saint-Philbert-de-Grand-Lieu vient de saint Filibert (vers 616-vers 684)
  3. Mort de saint Philibert le 20 août 684
  4. Saint Philibert, Nominis, Conférence des évêques de France
  5. Raoul Deloffre, Églises, châteaux et fortifications des Landes méridionales du Moyen Âge à la Renaissance, Atlantica, (lire en ligne), p. 23.
  6. Gaston et Monique Duchet-Suchaux, Les Ordres religieux, Flammarion, coll. « Tout l'art », , p. 185.
  7. Maylis Baylé et Lucien Musset (dir.), Aspects du monachisme en Normandie : actes du Colloque scientifique de l'"Année des abbayes normandes," Caen, 18-20 octobre 1979. IVe – XVIIIe siècles, Vrin, , 186 p. (ISBN 9782711620340, lire en ligne), p. 59-61
  8. Charles Mériaux, « Le culte de saint Léger d'Autun, Saint-Vaast d'Arras et les Pippinides à la fin du VIIe siècle », Revue du Nord, nos 391-392,‎ , p. 691-710 (lire en ligne, consulté le ).
  9. Yves Duboys Fresney, « Au 7ème siècle, les fondations monastiques de Saint-Philibert », sur Le site de Duboys Fresney (consulté le ).
  10. Cartron 2010, p. 31-59 et 91-115.
  11. Cartron 2010.
  12. « L'histoire. Le crâne de Lazare a disparu. », Libération,‎ (lire en ligne).
  13. « Centre international d'études romanes », sur BNF (consulté le ).