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Caresse

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Émile Munier, Pardon maman, 1888.

Une caresse est un geste de contact physique qui forme un signe d'affection, de tendresse ou de sensualité. Les caresses existent chez les humains et chez d'autres animaux, en particulier les mammifères sociaux. Ils peuvent aussi être utilisés comme témoignages d'affection d'un humain à un animal domestique. Ce geste est généralement réalisé avec la main, avec une vitesse de 3 cm/s[1]. Le mot « caresse » est le terme commun pour décrire le toucher affectif (aussi appelé "toucher social"). Une caresse vise en général à renforcer un lien social, mais elle peut revêtir un grand nombre de significations selon les contextes, les cultures et les époques.

Physiologie

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Chez l'humain

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Chez les humains, la perception d'une caresse passe par un réseau de nerfs différent de celui employé pour les autres sensations tactiles, comme le montre une étude menée par des chercheurs suédois en 2002[2]. En termes scientifiques, les caresses relèvent du toucher affectif (aussi appelé "toucher social"). Ce type de toucher passe par des fibres nerveuses spécifiques, les fibres C ou fibres C-tactiles, qui permettent de ressentir un contact comme agréable en cas de caresse ou de câlin[3],[4]. Selon une étude menée par Francis McGlone, professeur à l'Université de Liverpool, ces fibres C réagissent le plus vivement si elles sont stimulées à une force moyenne et avec lenteur (5 cm par seconde). Sur un corps humain, les zones qui réagissent le mieux sont les avant-bras, le tronc (poitrine, épaules, nuque, torse) et les cuisses[5]. Les caresses produisent une hormone, l'ocytocine, nécessaire au bien-être[6], ainsi que de la dopamine, et elles ralentissent le rythme cardiaque[3]. Elles font baisser le taux de cortisol, hormone liée au stress, et réduisent la pression artérielle[7]. Cependant, l'interprétation de ces sensations faite par le cerveau dépend du contexte social et de la volonté : si une personne ne souhaite pas être touchée, autrement dit s'il n'y a pas consentement, la sensation ne lui paraît jamais agréable[3].

Les humains, enfants comme adultes, ont besoin de contacts physiques réguliers pour rester en bonne santé. Les fœtus réagissent aux contacts à travers le ventre de la mère dès l'âge de 12 semaines[5]. Les enfants ont absolument besoin de contacts physiques pour se développer normalement[6]. Selon une étude de l'Institut Max-Planck pour le développement des sciences cognitives en Allemagne, publiée en 2016, un enfant qui bénéficie de caresses régulières de la part de ses parents développe davantage les parties de son cerveau liées aux habiletés sociales[7].

Chez les autres animaux

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Deux chats orange tabbies se caressant mutuellement.

La production d'ocytocine, le ralentissement du rythme cardiaque et la baisse de la pression artérielle sont également attestés chez les autres animaux qui reçoivent des caresses[8]. Chez les mammifères sociaux, ces effets positifs des caresses entraînent une recherche du contact agréable et contribuent à renforcer les liens entre les individus ; dans des conditions de vie où ces individus peuvent être en concurrence les uns avec les autres, les caresses diminuent l'agressivité et rétablissent un équilibre bénéfique à la communauté[9]. Des échanges de caresses sont observés chez des espèces animales variées. Ils peuvent s'accompagner de câlins ou de pratiques d'hygiène telles que le toilettage qui sont également revêtues de significations sociales entre animaux, le toilettage mutuel renforçant le lien social entre les individus[8].

Dans les interactions entre les humains et les autres animaux

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Gerald Ford caressant son chien Liberty (en), au Bureau ovale en 1974.

Dans les interactions entre humains et animaux, prodiguer des caresses à l'animal est un mode de communication non verbale à part entière et renforce le lien entre l'humain et l'animal. Selon Charlotte Duranton, éthologue à l’université Aix-Marseille, ce mode de communication entre les humains et les autres animaux n'a pas toujours existé mais s'est développé au fil de la domestication, la sélection génétique opérée par l'humanité favorisant les individus les plus enclins à rechercher le contact avec les humains. Même à l'échelle de la vie d'un animal, ce mode de communication s'apprend[8]. Par exemple, les chiens sont habituellement éduqués à percevoir les caresses comme des récompenses que leur maître ou maîtresse leur prodigue quand ils se sont bien comportés, mais s'ils n'ont pas été éduqués dans ce sens, ils peuvent percevoir la caresse comme une agression ; de plus, ils peuvent ne pas apprécier ce geste s'il est prodigué par un humain qu'ils ne connaissent pas[10]. Chaque animal a ses zones à caresser favorites[8].

Caresser un animal domestique peut avoir des effets favorables sur la santé. Une étude japonaise parue dans la revue savante Anthropozoös en 2017 a scientifiquement montré que prodiguer des caresses à un chat augmentait les valeurs d'hémoglobine oxygénée dans le cortex préfrontal et produisait une amélioration de l'humeur[11]. Une étude menée par des scientifiques de l'université de Bâle, en Suisse, et parue dans la revue savante Plos One en 2022 montre que les enfants scolarisés voient leur niveau de stress (mesuré par le taux de cortisol dans la salive) notablement atténué par le fait d'être régulièrement en interaction avec un chien qu'ils peuvent caresser ; cela fonctionne que les enfants aient ou non des besoins éducatifs particuliers[12].

Usages sociaux des caresses

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Une caresse peut servir à de nombreux usages différents. Elle peut procurer une sensation de protection et de sécurité, ou de consolation, ou servir à renforcer une relation sociale[13]. Elle peut éveiller l'excitation et procurer du plaisir sexuel[13]. Les humains ont développé des coutumes très variées incluant plus ou moins de contacts physiques avec les autres selon les cultures et les époques[6].

Caresses des parents aux enfants

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L'enfant a besoin d'être caressé et de se caresser lui-même pour se sentir exister, puis pour prendre la propriété de son propre corps. Les caresses des adultes aux enfants doivent se faire avec le consentement de l'enfant[14].

Caresses de salutation

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Les sociétés humaines ont inventé, au fil des époques, de nombreuses manières de se saluer. Certaines incluent des caresses, comme l'accolade, l'étreinte ou le câlin. Cependant, d'autres sociétés connaissent des moyens de se saluer n'incluant pas de caresses, par exemple la poignée de main, diverses variétés de baisers, divers gestes de salut, ou des formules de politesse purement verbales.

Caresses érotiques

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La caresse et plus généralement le recours au contact physique peuvent faire partie intégrante de la pratique de la médecine, dans une approche mettant en avant l'empathie et l'éthique du care[15],[16].

Des accessoires tels que les couvertures lestées, qui reproduisent en partie les mêmes sensations qu'une étreinte, sont utilisées pour diminuer le stress et l'anxiété[17]. Elles sont particulièrement importantes auprès des personnes en fin de vie[18].

Philosophie

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Le philosophe franco-lituanien Emmanuel Levinas réfléchit à la notion de caresse dans Totalité et Infini paru en 1971 dans sa réflexion plus générale sur la relation à l'autre. La caresse consiste selon Levinas « à ne se saisir de rien », puisqu'on se contente d'effleurer. Elle recherche, mais elle ne cherche pas à posséder[19]. Elle crée un entre-deux où chacun est à la fois touchant et touché, n'est plus tout à fait soi-même mais sans devenir l'autre. Levinas aborde également le thème de la caresse dans Autrement qu'être en 1974[20].

Dans la culture

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Articles connexes

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Références

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  1. Informations lexicographiques et étymologiques de « caresse » dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales [consulté le 15 juin 2019].
  2. Origine nerveuse de la caresse | INA, consulté le
  3. a b et c À fleur de peau. Une histoire des caresses, câlins et autres étreintes, documentaire (2022), 9'48'' et suivants.
  4. (en) Croy et al., « Gentle touch perception: From early childhood to adolescence », .
  5. a et b Agnès Giard, « La caresse la plus bouleversante », sur Libération (consulté le )
  6. a b et c À fleur de peau. Une histoire des caresses, câlins et autres étreintes, documentaire (2022).
  7. a et b « Pourquoi les caresses sont-elles vitales ? », sur France Inter, (consulté le )
  8. a b c et d Katia Renard, « Les animaux aiment-ils les caresses? » [html], sur Animaux-Online, 30 millions d'amis, (consulté le ).
  9. « Le règne animal est-il accro aux câlins? », Le Temps,‎ (ISSN 1423-3967, lire en ligne, consulté le )
  10. Coralie Diedrichs, « Le chien aime-t-il vraiment les caresses ? », sur Binette & Jardin, (consulté le )
  11. (en) Ai Kobayashi, Yusuke Yamaguchi, Nobuyo Ohtani et Mitsuaki Ohta, « The Effects of Touching and Stroking a Cat on the Inferior Frontal Gyrus in People », Anthrozoös, vol. 30, no 3,‎ , p. 473–486 (ISSN 0892-7936 et 1753-0377, DOI 10.1080/08927936.2017.1335115, lire en ligne, consulté le )
  12. (en) Kerstin Meints, Victoria L. Brelsford, Mirena Dimolareva et Laëtitia Maréchal, « Can dogs reduce stress levels in school children? effects of dog-assisted interventions on salivary cortisol in children with and without special educational needs using randomized controlled trials », PLOS ONE, vol. 17, no 6,‎ , e0269333 (ISSN 1932-6203, PMID 35704561, PMCID PMC9200172, DOI 10.1371/journal.pone.0269333, lire en ligne, consulté le )
  13. a et b À fleur de peau. Une histoire des caresses, câlins et autres étreintes, documentaire (2022), 11' et suivants.
  14. Marie-Gabrielle Mathely, « Toucher et se toucher : une caresse à risque ? », Le Sociographe, vol. 60, no 4,‎ , p. 21–28 (ISSN 1297-6628, DOI 10.3917/graph.060.0021, lire en ligne, consulté le )
  15. Véronique Lefebvre des Noëttes (2022).
  16. Pierre Le Coz, « Place de la peau dans l'éthique du soin », Le Journal des psychologues, vol. 266, no 3,‎ , p. 39–41 (ISSN 0752-501X, DOI 10.3917/jdp.266.0039, lire en ligne, consulté le )
  17. Eloïse Duval, « Fibres nerveuses reliant la caresse au plaisir sexuel : une étude ouvre la voie à «des crèmes» pour les activer », sur Libération (consulté le )
  18. Eytan Ellenberg, « Communication et fin de vie: revue bibliographique et approche éthique de la caresse », InfoKara, vol. 19, no 2,‎ , p. 59–69 (ISSN 1021-9056, DOI 10.3917/inka.042.0059, lire en ligne, consulté le )
  19. « Levinas, au cœur de l'Eros », sur Slate.fr, (consulté le )
  20. « Le toucher de Levinas, ou l'énigme de la caresse », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )

Bibliographie

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  • Véronique Lefebvre des Noëttes, La Force de la caresse, éditions du Rocher, 2022, 200 pages. EAN 9782268107776 (Sur la caresse et le toucher en médecine.)
  • Irène Le Roy Ladurie, Une préférence pour la douceur : récit(s) de la caresse à l'époque contemporaine (1980-2019) : histoire, esthétique et poétique en bande dessinée et en littérature : domaines français, anglais, allemand, italien et nord-américain (thèse de doctorat sous la direction d'Henri Garric soutenue le 10 décembre 2021), Dijon, Université de Bourgogne (lire en ligne Inscription nécessaire) (Sur les évocations littéraires de la caresse de 1980 à 2019.)

Filmographie

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  • À fleur de peau. Une histoire des caresses, câlins et autres étreintes, documentaire réalisé par Annebeth Jacobsen, France-Allemagne, coproduction Broadview.TV et la ZDF en collaboration avec la chaîne Arte, 2022.

Liens externes

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