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Fonction hypergéométrique

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Graphe d'une fonction hypergéométrique dans le plan complexe.

En mathématiques, le terme de fonction hypergéométrique, parfois sous le nom « fonction hypergéométrique de Gauss », désigne généralement une fonction spéciale particulière, dépendant de trois paramètres a, b, c, notée 2F1(a, b, c ; z), parfois notée sans indice quand il n'y a pas d'ambigüité, et qui s'exprime sous la forme de la série hypergéométrique (lorsque celle-ci converge). Selon les valeurs prises par les paramètres, cette fonction correspond à de nombreuses fonctions usuelles ou spéciales, notamment des polynômes orthogonaux. La fonction hypergéométrique est en fait un cas particulier de la fonction hypergéométrique généralisée pFq(a1,...,ap ; b1,...,bq ; z).

La fonction hypergéométrique est également solution d'une équation différentielle complexe linéaire du second ordre, dite hypergéométrique, comprenant trois points singuliers réguliers. Toute équation différentielle linéaire du second ordre comprenant également trois points singuliers réguliers peut se ramener à cette équation[1].

Aspects historiques

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Le premier usage du terme « série hypergéométrique » est dû à John Wallis dans son ouvrage Arithmetica infinitorum publié en 1656. Ce terme apparaît dans la scholie à la proposition 190 de son livre[2], où il considère des séries du type :

dans lesquelles chaque terme, au lieu d'être multiplié par une « raison » constante comme dans la série géométrique usuelle, l'est par une valeur variant avec le terme considéré, d'où le qualificatif de « hypergéométrique », le préfixe d'origine grecque hyper- signifiant « supérieur à ».

Leonhard Euler a poursuivi l'étude de ce type de série, toutefois c'est à Gauss que l'on doit le premier traitement systématique de ce qui est appelée aujourd'hui la série hypergéométrique, et l'introduction de la notation F(α, β, γ, x) pour désigner la fonction correspondante, dite hypergéométrique[3].

Au cours du XIXe siècle, les études sur la fonction hypergéométrique se poursuivent, avec notamment les travaux de Ernst Kummer[4] et de Bernhard Riemann, qui introduit et étudie l'équation différentielle qu'elle satisfait[5]. Riemann montre notamment que l'équation différentielle dont est solution 2F1(z), étudiée dans le plan complexe, peut être caractérisée par ses trois singularités régulières en z = 0, z = 1 et z = ∞[5].

Définitions et propriétés générales

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Classiquement, il est possible de définir 2F1(a , b, c ;z) de deux façons, soit à partir de développement en série entière, qui constitue une série particulière dite hypergéométrique, soit à partir de l'équation différentielle linéaire d'ordre 2 qu'elle vérifie.

Définition à partir de la série hypergéométrique

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La fonction hypergéométrique peut être définie pour tout |z| < 1 par la série, dite hypergéométrique :

.

La notation (a)n représentant la factorielle croissante ou symbole de Pochhammer, donné par :

Les paramètres a, b, c sont en général complexes. Si c est un entier négatif ou nul, soit c = –m avec m = 0, 1, 2… il est clair que (c)n devient nul dès que n = m + 1, donc la série est divergente[n 1].

Par ailleurs, de la même façon, la série ne comprend qu'un nombre fini de termes si a ou b est un entier négatif. Dans ce cas, la fonction 2F1 se réduit à un polynôme. Par exemple, si  :

.

L'équation différentielle hypergéométrique

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La fonction hypergéométrique 2F1(a, b; c ; z) est solution de l'équation différentielle linéaire homogène du second ordre :

.

Celle-ci comporte trois points singuliers réguliers en z = 0, z = 1 et z = ∞[n 2], et toute équation différentielle linéaire du second ordre ayant trois points singuliers réguliers peut être ramenée à cette équation.

La recherche d'une solution sous forme de série entières (méthode de Frobenius) de la forme conduit à la relation de récurrence :

, pour tout .

En fixant , on obtient la série hypergéométrique ci-dessus.

Formule intégrale

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La fonction 2F1 a plusieurs représentations intégrales, dont celle donnée par Euler en 1748 : Β désignant la fonction bêta, si Re(c) > Re(b) > 0 alors

,

pour tout z tel que |z| < 1, ou tel que |z| = 1 et que les deux membres convergent. Elle peut se démontrer en développant (1 − zx)a par la formule du binôme généralisée puis en intégrant terme à terme.

Si de plus Re(c) > Re(a + b), on en déduit (cas z = 1) le théorème hypergéométrique de Gauss[6] :

,

dont l'identité de Chu-Vandermonde est elle-même un cas particulier.

Cas particuliers

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De nombreuses fonctions usuelles peuvent s'exprimer à partir de la fonction hypergéométrique, par exemple[1] :

.

La fonction hypergéométrique confluente (ou fonction de Kummer) correspond à un cas limite (dégénéré) de la fonction hypergéométrique :

.

Plus précisément, cela revient à effectuer d'abord dans l'équation différentielle le changement de variable z = x/b, (b ≠ 0). L'équation différentielle devient alors :

,

laquelle admet toujours trois points singuliers réguliers en x = 0, x = 1 et x = ∞ : le point singulier régulier en z = 1 est en fait « déplacé » en x = b. Si l'on prend ensuite la limite quand b → ∞, il y a « confluence » des deux points singuliers réguliers en x = b et x = ∞, en un point singulier irrégulier en x = ∞, l'équation différentielle devenant à la limite :

,

dont la fonction hypergéométrique confluente M(a, c, z) est une solution.

Les fonctions de Legendre sont solutions d'une équation différentielle linéaire du second ordre ayant 3 points singuliers réguliers ; par suite, elles peuvent s'exprimer en fonction de 2F1(a, b,c ; b−1z) de multiples façons, par exemple :

.

Certains polynômes orthogonaux, dont les polynômes de Jacobi P(α,β)
n
et leurs cas particuliers les polynômes de Legendre, de Tchebychev et de Gegenbauer, peuvent s'écrire en termes de fonctions hypergéométriques en utilisant que

.

D'autres polynômes qui sont des cas particuliers incluent les polynômes de Kravtchouk (en), de Meixner et de Meixner-Pollaczek (en).

Les fonctions modulaires elliptiques peuvent parfois s'exprimer comme fonctions réciproques d'un quotient de deux fonctions hypergéométriques dont les arguments a, b, c sont 1, 1/2, 1/3… ou 0. Par exemple, si

alors

est une fonction modulaire elliptique de τ.

Les fonctions bêta incomplètes Bx(p, q) sont reliées par

.

Les intégrales elliptiques complètes K et E sont données par

.

Notes et références

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(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Hypergeometric function » (voir la liste des auteurs).
  1. Plus précisément, son rayon de convergence est nul.
  2. Pour ce dernier point, il faut effectuer le changement de variable w = 1/z dans l'équation différentielle, et considérer la limite quand w → 0.

Références

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  1. a et b (en) Milton Abramowitz et Irene Stegun, Handbook of Mathematical Functions with Formulas, Graphs, and Mathematical Tables [détail de l’édition] (lire en ligne), chap. 15, p. 555 s..
  2. D'après (en) Jeffrey C. Lagarias, « Euler's constant: Euler's work and modern developments », Bull. Amer. Math. Soc., vol. 50, no 4,‎ , p. 527-628 (arXiv 1303.1856) citant (en) E. J. Barbeau et P. J. Leah, « Euler's 1760 paper on divergent series », Historia Mathematica, vol. 3, no 2,‎ , p. 141-160 (DOI 10.1016/0315-0860(76)90030-6), eux-mêmes citant un commentaire de Carl Boehm sur E47.
  3. (la) Carl Friedrich Gauss, « Disquisitiones generales circa seriem infinitam    », Commentationes societatis regiae scientarum Gottingensis recentiores, Göttingen, vol. 2,‎ , p. 125-162 (lire en ligne).
  4. (de) Ernst Kummer, « Über die hypergeometrische Reihe  », Journal für die reine und angewandte Mathematik, vol. 15,‎ , p. 39-83, 127-172 (lire en ligne).
  5. a et b (de) Bernhard Riemann, « Beiträge zur Theorie der durch die Gauss'sche Reihe F(α, β, γ, x) darstellbaren Functionen », Abhandlungen der Mathematischen Classe der Königlichen Gesellschaft der Wissenschaften zu Göttingen, vol. 7,‎ , p. 3-22 (lire en ligne).
  6. (en) Eric W. Weisstein, « Gauss's Hypergeometric Theorem », sur MathWorld.

Bibliographie

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