Aller au contenu

Tremendisme

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Le tremendisme (de l'espagnol « tremendismo »[1]) est une esthétique littéraire apparue dans la littérature espagnole (le roman et aussi la poésie) au milieu du XXe siècle.

Présentation

[modifier | modifier le code]

Il se caractérise par une crudité notable dans la présentation de la trame narratrice, associée à une récurrence de situations violentes et dramatiques. La description des personnages, habituellement des êtres marginaux, affectés de défauts physiques ou psychologiques, ou bien issus de milieux frustes et défavorisés (ouvriers ou paysans pauvres, prostituées, criminels, etc.), est faite sur un mode hyper-réaliste et pessimiste. La langue utilisée est dure, grossière, emploie des termes de jerga (d'argot).

Le tremendismo est sans doute la traduction culturelle des souffrances endurées par les auteurs (et aussi des expériences vécues) pendant la guerre civile espagnole (1936-1939) et l'après-guerre. Il comporte une certaine part de tendance à l'exagération et à la théâtralisation de la réalité, utilisant pour frapper le lecteur une mise en exergue de situations tragiques dont les héros devront sortir par des moyens extrêmes[2].

Le roman qui initia le mouvement est La Famille de Pascal Duarte (1942), de Camilo José Cela. Suivirent La fiel infantería (« La fidèle infanterie ») de García Serrano (1944), Lola, espejo oscuro (« Lola, miroir obscur ») de Fernández Flórez (1951), etc. Tous ces romans mettent en exergue le côté somatique du tremendisme. Mais ce courant n'exprime pas seulement la violence physique. On peut aussi lire des œuvres dans lesquelles la violence psychologique dépasse les limites de l'entendement humain. C'est ce que Mathurin Ovono Ebè[3], en relisant La sombra del ciprés es alargada (L'ombre du cyprés est allongée) (1948) de Miguel Delibes, qualifie de "tremendisme psychologique"[4].

La critique a mis en évidence la filiation existant entre le mouvement du « tremendismo » et la tradition ancienne de la poésie satirique espagnole : La Célestine, les romans picaresques, Quevedo, Baroja, Valle-Inclán, Solana, etc.

En poésie aussi le style « tremendiste » apparut, promu par les tendances ré-humanisatrices de la revue Espadana : elle réagissait contre le style desséché imité de Garcilaso de la Vega, de mise en Espagne dans l'après-guerre.

  1. « tremendo » signifie en espagnol « terrible », « qui fait trembler », et dans le sens familier : « énorme ». On dit en espagnol « tomarlo por la tremenda » dans le sens « le prendre au tragique ». Le terme tremendismo désigne aussi un style tauromachique particulièrement risqué et impressionnant, utilisant par exemple la figure dite a porta gayola : le torero se place directement devant la porte du toril, et fait face à l'assaut du taureau qui se rue à l'extérieur... Comme l'a écrit Jacques Durand (cf "www.btb.gc.ca/publications/act-upd/pdf/act-upd-jun 2008.pdf"), écrivain et chroniqueur taurin au journal Libération : "Apparu en Espagne au XXe siècle, le tremendisme est une tendance artistique qui se caractérise par l'ostentation". Cette définition pourrait s'appliquer aussi au mouvement littéraire trémendiste...
  2. en ce sens, La Terre d'Émile Zola, les romans dits « de tranchées » parus en France et en Allemagne dans les années 1920, et même Pour qui sonne le glas d'Ernest Hemingway, avec leurs jurons et leurs situations cocasses ou dramatiques, appartiendraient à une tendance « tremendiste »...
  3. En juin 2007, sous la direction du Pr. Michel Bourret de l'Université Paul Valéry - Montpellier III -, Mathurin Ovono Ebè a soutenu une thèse intitulée L'enfant dans le roman espagnol de la première décennie de l'après guerre civile (1939-1952): complexité des relations entre l'enfant et son environnement. Dans cette thèse, il consacre une grande partie à l'étude du "tremendismo".
  4. Mathurin Ovono Ebè, "Le Tremendismo de Miguel Delibes: entre censure et anamnèse", In Cuadernos de la Hispanidad n°2, Actes de la journée d'hommage à Miguel Delibes du 28 juillet 2010, Libreville, ODEM, CERILA, mai 2011